j’ai reçu des Énochs[1] : cela n’est pas publici saporis[2]. On ne trouve pas un seul Dictionnaire philosophique actuellement dans toute la Suisse. Personne ne m’attribue cet ouvrage dans le pays où je vis ; il n’y a que des Frérons qui puissent m’accuser à Paris ; mais je ne crains ni les Frérons ni les Pompignans : ces malheureux ne m’empêcheront jamais de vivre et de mourir libre.
Sur ce je vous embrasse ; je ris des Welches, et je plains les philosophes. Écr. l’inf…
Je vois, mon cher philosophe, que vous avez perdu un adepte qui sera difficile à remplacer. Ce que vous me mandez de lui, et le petit billet qu’il écrivit avant sa mort, me donnent bien des regrets. On dit que vous avez aussi perdu monsieur votre père ; il était d’un âge à ne devoir s’attendre à vivre plus longtemps. Il n’aura pas sans doute écrit un billet semblable à celui de votre ami. Les choses se tournent bien différemment dans les têtes des hommes. Il y a l’infini entre celui qui a lu avec fruit, et celui qui n’a rien lu : le premier foule à ses pieds les préjugés, et le second en est la victime. Songez à rétablir votre santé. Pour peu que vous joigniez la sobriété à vos autres mérites, vous n’aurez pas plus besoin des médecins du corps que de ceux de l’âme. Je vous embrasse de tout mon cœur ; je vous serai attaché pour le reste de ma vie, qui ne peut être bien longue.
Madame l’ange est suppliée d’être arbitre[3] entre M. de Foncemagne et moi ; si elle me condamne, je me tiens pour très-bien condamné. Je sais bien que j’ai affaire à forte partie : car c’est plutôt contre Mme la duchesse d’Aiguillon et M. le maréchal de
- ↑ Dissertation sur Élie et Énoch (faisant suite aux Recherches sur l’origine du despotisme oriental, in-8o sans date ; cet ouvrage est de Boulanger.
- ↑ Horace a dit (Art poét., vers 131) :
Publica materies privati juris erit.
- ↑ Voltaire fait allusion à son Arbitrage entre M. de Voltaire et M. de Foncemagne ; voyez tome XXV, page 321.