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déjà mandé[1] que j’avais renoncé à tout ce qu’on appelle devoirs, comme à tout ce qu’on nomme plaisirs.

Je prie M. le président Hénault de souffrir que je ne le sépare point de vous dans cette lettre, et que je lui dise ici que je lui serai attaché jusqu’au dernier moment de ma vie. Il voit mourir tous ses amis les uns après les autres : cela doit lui porter la tristesse dans l’âme, et vous devez vous servir l’un à l’autre de consolation.

Un redoublement de mes maux, qui me prend actuellement, me remet dans mon lit, et m’empêche de dicter plus longtemps combien je suis dévoué à tous deux. Recevez ensemble les protestations bien sincères de mes tendres sentiments, et conservez-moi des bontés qui me sont bien précieuses.


5785. — À M. LE MARQUIS DE CHAUVELIN.
Ferney, 9 octobre.

Quand la faiblesse et les maladies augmentent, on est un mauvais correspondant, et Votre Excellence est très-indulgente, sans doute, pour les gens de mon espèce. Vous ne devez point d’ailleurs regretter que je ne vous aie pas instruit de ce que Mme de Was peut être. Elle est venue chez moi, mais je ne l’ai point vue. Je me mets rarement à table quand il y a du monde ; ma pauvre santé ne me le permet pas. On dit qu’elle est fort aimable, ce qui est assez indifférent à un pauvre malade.

Vous devriez bien engager les anges à vous faire copier les roués de la fournée nouvelle ; ils vous l’enverraient par le premier courrier que M. le duc de Praslin ferait passer par Turin. Vous jugeriez si, en supprimant quelques morceaux de politique, on a pu jeter plus d’intérêt dans l’ouvrage. La politique est une fort bonne chose, mais elle ne réussit guère dans les tragédies : c’est, je crois, une des raisons pour lesquelles on ne joue plus la plupart des pièces de ce grand Corneille. Il faut parler au cœur plus qu’à l’esprit. Tacite est fort bon au coin du feu, mais ne serait guère à sa place sur la scène.

Au reste, je suis d’autant plus fâché d’avoir renoncé au théâtre que c’est quitter un temple où madame l’ambassadrice est adorée. Je ne peux plus être un de ses prêtres, la vieillesse et la

  1. Je ne crois pas qu’il l’ait déjà mandé à Mme du Deffant, à moins que ce ne soit dans une lettre qui ne nous est pas parvenue. (B.)