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en vérité ils sont tout à fait dociles dans cette famille-là ; il lui a dit qu’il s’allait mettre à travailler, tout malade qu’il est. Cet auteur s’appelle Dubut ; mais il a encore un autre nom ; il a étudié en théologie, et possède Tertullien sur le bout du doigt. Ce serait bien là le cas de donner les roués[1] ; il est bon de faire des diversions.

Je baise le bout des ailes de mes anges en toute humilité, avec la plus vive reconnaissance.


5777. — À M. D’ALEMBERT.
2 octobre.

Premièrement, mon cher et grand philosophe, je vous conjure encore d’affirmer, sur votre part de paradis, que votre frère n’a nulle part au Portatif : car votre frère jure et ne parie pas que jamais il n’a composé cette infamie, et il faut l’en croire, et il ne faut pas que les frères soient persécutés. Ce n’est point le mensonge officieux que je propose à mon frère, c’est la clameur officieuse, le service essentiel de bien dire que ce livre, renié par moi, n’est point de moi ; c’est de ne pas armer la langue de la calomnie et la main de la persécution. Ce livre est divin, à deux ou trois bêtises près qui s’y sont glissées :


· · · · · · · · · · · · · · · Quas aut incuria fudit,
Aut humana parum cavit natura.

(Hor., de Art. poet., v. 352.)


Mais je jure par Sabaoth et Adonaï, quia[2] non sum auctor hujus libri. Il ne peut avoir été écrit que par un saint inspiré du diable : car il y a du moral et de l’infernal.

Mon second point, c’est que je suis tombé aujourd’hui sur l’article Dictionnaire en votre Encyclopédie. J’ai vu avec horreur ce que vous dites de Bayle : « Heureux s’il avait plus respecté la religion et les mœurs ! » ou quelque chose d’approchant[3]. Ah ! que vous m’avez contristé ! Il faut que le démon de Jurieu[4] vous

  1. Le Triumvirat.
  2. Locution de la Bible : on lit dans Matthieu, v, 22 : « Ego autem dico vobis quia omnis qui irascitur, etc. »
  3. Le Dictionnaire de Bayle y était appelé un ouvrage que l’auteur aurait rendu infiniment estimable en supprimant ce qui peut blesser la religion et les mœurs. D’Alembert, en reproduisant son article dans les Mélanges de littérature, etc., y supprima ce qu’il disait de Bayle.
  4. Ennemi de Bayle ; voyez tome XIV, page 38 ; et tome IX, le troisième des Discours sur l’Homme.