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vous voulez bien prendre ce nom, vous serez mon maître en tout. Vous ne verrez qu’un pauvre malade bien languissant. J’espère que le plaisir de vous voir me ranimera. Vous devez être trop fatigué de votre voyage pour que je vous accable encore d’une longue lettre, et nous avons plus de choses à nous dire qu’à nous écrire. Permettez, monsieur, que je vous embrasse bien tendrement.


5686. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Aux Délices, 23 juin.

Je reçois, au départ de la poste, une lettre d’un ange, du 18 de juin, et je suis très-affligé que l’autre ange soit malade. Répondons vite.

Quant au vers,


Le danger suit le lâche, et le brave l’évite[1],


si ce vers n’était pas précédé de ceux qui l’expliquent, il serait ridicule ; mais, pour prévenir tout scrupule, il n’y a qu’à mettre :


Le lâche fuit en vain, la mort vole à sa suite ;
C’est en la défiant que le brave l’évite.


Quant à l’afaiblissement qu’on demande de la description du combat de Pompée, c’est vouloir être froid pour vouloir paraître plus vraisemblable. Il y a des occasions où c’est n’avoir pas le sens commun que de vouloir trop chercher le sens commun. Je demande très-instamment, très-vivement, qu’on ne change rien à cette scène. Je demande surtout qu’on suive les dernières corrections que j’ai envoyées : elles me paraissent favoriser beaucoup la déclamation, ce qui est un point très-important. Il ne s’agit pas seulement de faire des vers, il faut en faire qui animent les acteurs.

On se mourait hier de chaud, on se meurt aujourd’hui, on est mort. Les comédiens ont le diable au corps de jouer une pièce nouvelle dans un temps où personne ne peut venir à la Comédie.

Quoi ! vous n’auriez pas reçu les lettres où je vous parlais

  1. Voyez tome VI, page 232.