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5678. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL[1].
18 juin.

Je ne sais, mes chers anges, si j’aurai le temps de vous dire un mot touchant la lettre ci-jointe. La poste va partir. Je viens d’écrire à M. Damilaville, qui m’a envoyé la lettre de M. de Hullin[2]. J’écris à M. de Hullin en conformité, et je vous supplie de permettre que je vous adresse la lettre.

Je supplie instamment les sages qui travaillent à la Gazette littéraire de me garder soigneusement le plus profond secret[3].


5679. — À M. DAMILAVILLE.
18 juin.

Vous me ferez plaisir, mon cher frère, de me faire avoir les bêtises de Fréron sur les Commentaires de Corneille. Figurez-vous que Panckoucke a communiqué à M. d’Aquin[4] sa lettre et ma réponse : ainsi, puisqu’elles sont connues, le droit des gens permet qu’on les imprime. Je crois même que la chose est nécessaire pour l’édification publique, et vous savez que l’édification des Français consiste à rire. Je crois ce temps-ci fort stérile en nouvelles ; je suis d’ailleurs toujours comme ce personnage de l’Écossaise qui disait : « Moins de nouvelles, moins de sottises[5]. »

Vous m’avez fait observer que si le roi de Pologne prend tous ses exemplaires, il n’en restera plus pour faire des présents. Ma foi, je crois que le roi de Pologne doit faire comme le roi de France et comme moi, ne prendre que la moitié des exemplaires pour lesquels il a souscrit ; encore n’en ai-je que le tiers, parce qu’il n’en restait plus : on n’en avait pas assez tiré. Il faudrait une cinquantaine d’yeux pour lire vingt-cinq Corneille ; le roi de Pologne n’en a que deux, comme moi, et encore ne sont-ils pas meilleurs que les miens. J’ai l’honneur d’être affligé de la vue comme lui.

Tout ceci, mon cher frère, est peu philosophique : j’aime mieux examiner la façon dont certaines choses qui vous déplaisent se sont établies dans le monde.

  1. Mémoires et Correspondances historiques, etc., par Ch. Nisard, 1858, page 343.
  2. Résident français à Genève, alors à Paris.
  3. Sur l’article concernant les Mémoires de Pétrarque, par l’abbé de Sade ; voyez une note de la lettre 5694.
  4. À qui est adressée la lettre 5683.
  5. C’est Freeport qui dit cela dans l’Écossaise, acte II, scène v.