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de cette sottise, et je ne manquerais pas d’écrire à M. de Sartine pour désavouer le livre, et le prier très-instamment de le supprimer. Je laisse aux Le Beau, aux Crevier, la petite gloire de faire imprimer leurs noms et leurs qualités en gros caractères à la tête de leurs déclamations de collège ; je n’ai jamais eu cette ambition, et quand de maudits libraires ont mis mon nom à mes ouvrages, ils l’ont toujours fait malgré moi.

Je compte, mon cher frère, que vous avez eu la bonté de donner la lettre à M. Marin[1]. Je souhaite que M. de Sartine sache combien je m’intéresse peu à la plate gloire d’auteur, et au débit de mes œuvres. M’imprimera qui voudra ; pourvu qu’on ne me défigure pas, je suis content.

Avez-vous reçu les quarante-huit exemplaires du Corneille, que Cramer doit vous avoir envoyés ? Je m’attends bien que des gens, qui n’ont que des préjugés au lieu de goût, ne seront pas contents de moi ; mais il faut fouler aux pieds les préjugés dans tous les genres.

Mon cher frère, que ne puis-je m’entretenir avec vous !


5622. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
18 avril.

Nous élevons nos cris à nos anges, du sein des mers qui submergent nos vallées, entre nos montagnes de glace et de neige. Nous offrons volontiers à notre curé la dîme de tout cela ; mais pour la dîme de nos blés. Dieu nous en préserve !

Après nos dîmes, l’affaire la plus intéressante est que mes anges aient la bonté de nous envoyer nos roués[2]. J’y ai fait tant de corrections, tant de changements, j’y en ferai tant encore, qu’il faut absolument que je fasse porter sur votre copie tous les petits cartons qu’il y faut faire. Voyez-vous, je cherche, par un travail assidu, à mériter vos bontés. Le Ximenès a beau me trouver décrépit, je veux que mes anges me trouvent jeune ; je veux que la conspiration à la tête de laquelle ils sont réussisse. Jamais rien ne m’a tant réjoui que cette conspiration. Mettez tout votre

    Collection complète des Œuvres de M. de Voltaire ; tous les exemplaires que j’ai vus des Contes de Guillaume Vadé portent au faux titre Contes de Guillaume Vadé (voyez toutefois la lettre suivante) ; dans l’édition de 1764 de la Collection complète, ce volume vient le vingt-septième. (B.)

  1. Celle dont Voltaire a parlé page 186, et qui manque.
  2. Le Triumvirat.