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de la Gazette littéraire ? Il me semble que cette entreprise est en bonnes mains, et que, de tous les journaux, c’est celui qui met le plus au fait des sciences de l’Europe : c’est dommage qu’il ne parle point de mandements d’évêques, qu’on brûle tous les jours. Tout ce que je vois jette les semences d’une révolution qui arrivera immanquablement, et dont je n’aurai pas le plaisir d’être témoin. Les Français arrivent tard à tout, mais enfin ils arrivent. La lumière s’est tellement répandue de proche en proche, qu’on éclatera à la première occasion ; et alors ce sera un beau tapage. Les jeunes gens sont bien heureux ; ils verront de belles choses.

À propos, je n’ose vous envoyer un conte à dormir debout[1], qui est très-indigne d’un grave ambassadeur ; mais pour peu que madame l’ambassadrice se plaise aux Mille et une Nuits, je l’enverrai par la première poste. En attendant, voici un petit avis d’un nommé Vadé à mes chers compatriotes[2]. Ce Vadé-là était un homme bien difficile à vivre.

Mille sincères et tendres respects.


5609. — À M. DAMILAVILLE.
2 avril.

Mon cher frère, je vous envoie l’avis d’Esculape-Tronchin. Tout Esculape qu’il est, il ne vous apprendra pas grand’chose : vous savez assez que la vie sédentaire fait bien du mal aux tempéraments secs et délicats. Si j’étais assez insolent pour ajouter quelque chose aux oracles d’Esculape, je conseillerais les eaux de Plombières, ou quelques autres eaux chaudes et douces, en cas que la fortune de la malade lui promette de faire ce voyage sans s’incommoder, car il n’est permis qu’aux gens riches d’aller chercher la santé loin de chez eux ; et à l’égard des pauvres, ils travaillent et guérissent. Le voyage, l’exercice, des eaux qui lavent le sang et qui débouchent les canaux, rétablissent presque toujours la machine. Je voudrais aussi qu’on fit lit à part : un mari malsain et une femme malade ne se feront pas grand bien l’un à l’autre, attendu que mal sur mal n’est pas santé. Voilà l’avis d’un vieux routier qui n’est pas médecin, mais qui depuis longtemps ne doit la vie qu’à une extrême attention sur lui-même.

  1. Ce qui plaît aux Dames ; voyez tome X.
  2. C’était probablement une copie manuscrite du Discours aux Welches, par Antoine Vadé (voyez tome XXV, page 229) ; car je crois qu’il n’existe pas d’édition séparée de cet opuscule. (B.)