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sistent depuis deux cents ans au sujet des terres possédées autrefois dans le pays de Gex par les ducs de Savoie, le canton de Berne et la république de Genève. Il est triste que nos rois depuis Charles IX n’aient pas fait enregistrer leurs traités au parlement de Dijon : cette précaution aurait prévenu toutes les difficultés, qui nous désolent ; mais aujourd’hui il n’est guère praticable que l’on fasse enregistrer des traités dont le dernier est fait il y a cent ans, et dont le premier a plus de deux cents années. J’espère, monsieur, que les bontés dont vous honorez Mme Denis et moi ne permettront pas que nous perdions tout l’avantage et tout l’agrément que ces mêmes traités nous assurent dans notre terre de Ferney.

Nous vous présentons nos très-humbles remerciements de la grâce que vous nous avez faite de nous donner des délais ; et nous vous supplions de vouloir bien agréer que M. le duc de Praslin se serve de la voie du conseil pour arranger cette affaire, qui est en effet une affaire d’État, attendu les promesses faites en dernier lieu par le roi aux républiques de Berne et de Genève.

Permettez encore, monsieur, que j’aie l’honneur de vous dire que, si nous étions obligés de plaider au parlement pour les droits de Ferney, M. le président de Brosses serait le moment d’après obligé de soutenir le même procès ; il se trouve précisément dans le même cas que moi, au sujet de la terre de Tournay, dont je n’ai que l’usufruit et dont il est le propriétaire. Le curé de Tournay n’attend que la première audience où l’on plaiderait la cause de Ferney, pour redemander la dîme que M. de Brosses partage avec la république de Genève, et par un usage funeste que les parlements n’ont point encore aboli, les décisions d’un concile de Latran sur les dîmes, et ce qu’on appelle le droit commun, l’emporteraient sur les traités faits par les souverains ; M. le président de Brosses perdrait le plus beau de ses droits. Oserais-je, monsieur, vous supplier de lui communiquer cette lettre ? Il s’agit de ses intérêts comme des miens. J’ai eu le malheur qu’un chicaneur de l’antre de Gex[1] a persuadé à M. de Brosses que je dégradais son bois de Tournay. Monsieur son frère le baillif[2] a été témoin, lorsqu’il est venu dans le pays, que non-seulement je n’ai rien dégradé, mais que j’ai même planté dans ce bois et que je n’y ai pas seulement pris jusqu’à présent

  1. M. Girod, capitaine et châtelain royal du pays de Gex.
  2. Claude-Charles de Brosses, comte de Tournay, grand bailli d’épée du pays de Gex.