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Blaise et les Amours de Blaise. Le Droit du Seigneur, en d’autres temps, devrait plaire à une nation qui ne laisse pas d’avoir du bon, et qui avait autrefois du goût.

Nous avons Lekain ; il a l’air d’un gros chanoine :


Et son corps, ramassé dans sa courte grosseur,
Fait gémir les coussins sous sa molle épaisseur.

(Boileau, le Lutrin, ch. I, v. 67.)

Faites comme il vous plaira, messieurs ; mais allons nous réjouir pour oublier vos tribulations. Nous allons jouer Cassandre, le droit du Seigneur, Sémiramis, et l’Écossaise. Notre ami Lekain nous dit que le tripot ne va pas mieux que le reste de la France ; que les quatre premiers gentilshommes ont la grandeur d’âme d’entrer à la Comédie pour rien, eux, leurs parents, leurs laquais, et les commères de leurs laquais. Cela est tout à fait noble. Les grands seigneurs d’Angleterre sont d’une pâte un peu différente. Ils ont de leur côté la gloire, et nous avons la petite vanité.

Pendant que nous sommes la chiasse du genre humain, on parle français à Moscou et à Yassy ; mais à qui doît-on ce petit honneur ? à une douzaine de citoyens qu’on persécute dans la patrie.

Mes chers anges, je vous remercie très-humblement, très-tendrement pour notre artilleur[1]. J’aurai l’honneur d’écrire à M. le comte de Choiseul[2] ; mais, dans la crise où je le crois, je lui épargne mes importunités pour le présent.

Je crois qu’on est si occupé des désastres publics qu’on ne songe pas à mon roué.

Nous sommes tous à vos pieds et à vos ailes.


4879. — À MADAME LA COMTESSE DE LUTZELBOURG.
Ferney, 5 avril.

Comme monsieur votre fils[3], madame, n’avait servi ni sous César ni sous Auguste, il ne faut pas d’épitaphe latine. C’est une pédanterie ridicule. Il faut pour un Français une épitaphe française, d’autant plus que les Romains n’ayant point dans leurs armées de grades qui répondent précisément aux nôtres, il est

  1. La Houlière, recommandé dans la lettre du 10 mars, n° 4857.
  2. Il lui écrivit le 6 septembre ; voyez lettre 5030.
  3. Voyez lettre 4841.