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acte est d’une exécution encore plus difficile ; ainsi j’avoue avec mes anges qu’il n’y a que Mlle Clairon qui puisse jouer Olympie[1]. Il me semble qu’elle a pour elle le premier acte, le quatre et le cinq ; Statira n’en a que deux où elle efface sa fille. De plus, on peut donner à la pièce le nom d’Olympie, afin que Mlle Clairon ait encore plus d’avantages, et paraisse jouer le premier rôle.

J’avouerai encore, après y avoir bien pensé, qu’il vaut mieux ne point donner la pièce au théâtre que de la hasarder entre des mains qui ne soient pas exercées et accoutumées à faire approcher celles du parterre l’une de l’autre.


4846. — À M. D’ALEMBERT.
À Ferney, 25 février.

Mon cher et universel, vous avez le nez fin, et c’est pour cela que j’ai voulu que vous lussiez Olympie ; mais, après avoir mandé à Mme de Fontaine de vous donner cette corvée[2], je lui mandai de n’en rien faire, attendu que j’ai le nez fin aussi, et que je m’étais très-bien aperçu que Cassandre et Olympie ne remuaient pas comme ils doivent remuer. J’avais, Dieu et le duc de Villars m’en sont témoins, j’avais broché en six jours cette besogne. Il n’appartient qu’au dieu de Moïse de créer en six jours un monde. J’avais fait le chaos ; j’ai débrouillé beaucoup, et voilà pourquoi je ne voulais plus que vous vissiez mon ours avant que je l’eusse léché. Toutes vos critiques me paraissent assez justes ; ce n’est point peu pour un auteur d’en convenir : il n’y en a qu’une qui me paraît mauvaise. Vous voulez qu’un homme qui est à la porte d’une église interrompe une cérémonie qu’on fait dans le sanctuaire, et à laquelle il n’a nul droit, nul prétexte de s’opposer.

On voit bien que vous n’allez jamais à la messe. Je suppose que vous vissiez Fréron et Chaumeix, etc., communier à Notre-Dame : iriez-vous leur donner des coups de bâton à l’autel ? N’attendriez-vous pas qu’ils allassent de l’église au b… ? Vous ne savez pas combien les cérémonies de l’église sont respectables.

Il y a encore d’autres remarques sur lesquelles je pourrais disputer ; mais le grand point est d’intéresser, tout le reste vient ensuite. J’ai choisi ce sujet moins pour faire une tragédie que pour faire un livre de notes à la fin de la pièce, notes sur les

  1. Voyez lettre 4715.
  2. Voyez la lettre du 8 février, n° 4833.