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Platon est revenu de la cour de Denis ; il en dit des merveilles. Il prétend que ce n’est point à ses pieds qu’on doit chercher ses oreilles ; enfin il est comblé de gloire, en attendant qu’il soit vêtu de moire.

J’aimerais à la folie avoir une correspondance avec vous, si vous étiez bien aise d’en avoir avec moi, mais vous n’avez jamais rien à me dire ; ce n’est que par le public que j’apprends ce que vous pensez, ce que vous dites, ce que vous faites ; vous ne me jugez digne d’aucune confiance.

Laissons François II tel qu’il est ; c’est un genre qu’il est difficile de perfectionner ; il est plus court de ne pas l’admettre.

Oh ! monsieur de Voltaire, avez-vous lu M. Thomas ? Il devait dire avant son discours : Allons, faquins, il vous faut du sublime ! Je suis indignée de l’éloquence régnante, j’aime mieux le style des halles. La pièce de Saurin[1] vient de tomber à plat.

Adieu, monsieur ; ne m’oubliez pas, et envoyez-moi quelque chose qui m’amuse, j’en ai besoin : je péris de langueur et d’ennui.


5421. — À M. PICTET,
à pétersbourg.
Septembre.

Mon cher géant[2], vraiment votre lettre est d’un vrai philosophe : vous êtes un Anacharsis, et d’Alembert n’a pas voulu l’être. Je ne sais pourquoi le philosophe de Paris n’a pas osé aller chez la Minerve de Russie : il a craint peut-être le sort d’Ixion.

Pour votre Jean-Jacques, ci-devant citoyen de Genève, je crois que la tête lui a tourné quand il a prophétisé contre les établissements de Pierre le Grand[3]. J’ai peut-être mieux rencontré quand j’ai dit que si jamais l’empire des Turcs était détruit, ce serait par la Russie[4] ; et sans l’aventure du Pruth[5], je tiendrais ma prophétie plus sûre que toutes celles d’Isaïe.

Votre auguste Catherine seconde est assurément Catherine unique ; la première ne fut qu’heureuse. J’ai pris la liberté de lui envoyer quelques exemplaires du second tome de Pierre le Grand, par M. de Balk. Je me flatte qu’elle y trouvera des vérités. J’ai eu de très-bons mémoires ; je n’ai songé qu’au vrai : je sais heureusement combien elle l’aime.

Ce qu’elle a daigné dicter à son géant me paraît d’un esprit bien supérieur. Ô qu’elle a raison, quand elle fait sentir cette

  1. Blanche et Guiscard.
  2. Voyez tome XL, page 539.
  3. Le texte de Rousseau est rapporté tome XX, page 218.
  4. Voyez tome XXIII, page 523.
  5. Voyez tome XVI, pages 517 et suiv.