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Vivez, madame ; digérez, pensez, et même riez de toutes les sottises de ce monde, depuis l’Inquisition de Lisbonne jusqu’aux pauvretés de Paris, et agréez mon tendre respect.


4843. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
16 février.

La créature du pied des Alpes reçoit la lettre de ses anges, du 9 du courant. Je réponds d’abord à l’article de M. de La Marche : il s’y est pris trop tard ; j’ai le vol des présidents. Un M. d’Albertas, d’Aix en Provence, vient de me prendre tout ce qui me restait ; M. de La Marche, huit jours plus tôt, aurait eu certainement la préférence ; et, dès que j’aurai quelques fonds, ils seront à lui. Voilà pour le temporel.

Le spirituel m’abasourdit. Vous devenez durs et impitoyables ; vous abusez de la bonté que j’ai eue d’avertir, à la tête des scènes de Cassandre, que le temple est tantôt ouvert, tantôt fermé, et vous avez la cruauté de me dire en face que, quand le temple sera ouvert, les acteurs viendront jusque dans le péristyle. Est-ce ma faute, à moi malheureux, si vos acteurs n’ont point de voix, s’il faut qu’ils viennent sur le bord du théâtre pour se faire entendre ? De plus, quand le temple est ouvert, ne suppose-t-on pas toujours les personnages dans l’endroit où ils doivent être ? Et nommez-moi donc la pièce où quatre scènes de suite peuvent naturellement se passer dans la même chambre. Les acteurs ne sont-ils pas tacitement supposés, par le spectateur bénévole, passer d’une chambre à l’autre ? Mais vous n’êtes point bénévoles, et vous avez juré de m’exterminer. Eh bien ! je vous sacrifie la place publique : on se battra dans le parvis ; et cela même peut produire quelques vers vigoureux sur le sacrilège. Ensuite vous m’accablez toujours de reproches au sujet d’une fille qui veut servir sa mère, et vous savez en votre conscience que j’ai changé ce passage[1].

Je ne vous entends point, ou plutôt vous ne m’avez pas entendu, quand vous m’écriviez que « c’est une énigme inconcevable, dans Olympie, de dire à Cassandre :


De ce temple surtout garde-toi de sortir[2]. »

  1. Dans la tragédie d’Olympie.
  2. Voyez tome VI, pages 148 et 169.