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peu de jours. Je regrette très-sincèrement de ne m’être pas trouvé à Pétersbourg pour témoigner à M. Féronce tous les droits de votre recommandation auprès de moi.

Il n’est pas, malheureusement pour moi, en mon pouvoir de me rappeler l’époque de mon maillot, dont vous voulez bien dater votre connaissance ; mais je vous prie, monsieur, d’être très-persuadé que je n’ai point oublié, ni n’oublierai jamais, que j’ai eu souvent l’avantage de me trouver à portée, dans les premières années de ma raison, de vous voir et de vous entendre. Je voudrais bien en pouvoir dire autant aujourd’hui ; j’en sentirais mieux et le prix et tous les charmes.

J’ai beaucoup vécu avec votre géant de Russie[1]. C’est un homme fort estimable, et que j’aime de tout mon cœur. Souvent, monsieur, il me parlait de son attachement pour vous, et très-souvent je lui demandais de vos nouvelles ; il ne me démentira pas. Mais pourquoi me vanter de cette attention ? Je la partage avec l’Europe ; d’ailleurs le devoir et l’A, B, C d’un ambassadeur est de mettre sans cesse en avant ce qui honore le plus son pays.

J’ai l’honneur d’être, avec les sentiments les plus sincères, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.


Le baron de Breteuil.

5358. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
3 auguste.

Je dois cette lettre à Lekain, et je supplie mes anges de vouloir bien la lui faire donner quand ils iront à la Comédie.

Si mes anges m’avaient renvoyé ma drogue, je la leur aurais dépêchée sur-le-champ, corrigée autant qu’on corrige pour la première fournée, et cela aurait été encore un amusement pour mes anges.

On dit que le président Hénault est fort malade. Il semble qu’il retombe bien souvent : cela fait peine. Je voudrais bien savoir s’il joint à sa maladie celle de la dévotion. Serait-il bête à ce point-là, avec l’esprit qu’il a ? Mais les gens faibles, quelque esprit qu’ils aient, sont capables de croire que deux et deux font cinq. J’ai une autre maladie : c’est d’être sensiblement affligé de voir tant de faiblesse dans des hommes de mérite. On me console beaucoup en me disant que le président n’a pas infiniment de compagnons de sa maladie d’esprit. Le nombre des sages augmente, dit-on, à vue d’œil. Dieu soit loué ! c’est tout ce qu’on veut dans Alep.

  1. Pictet.