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qu’il y a un grand parti en faveur de l’empereur Ivan[1] ? que ma chère impératrice sera détrônée, et que nous aurons un nouveau sujet de tragédie ?

J’ai reçu enfin le prospectus de messieurs de la Gazette littéraire : je souhaite qu’on y répande un peu de sel, afin de faire tomber le gros poivre de l’ami Fréron ; mais il sera bien difficile qu’un ouvrage sérieux, dont le ministère répond, soit si salé.

N’ai-je pas un compliment à faire à M. d’Argental sur le traité qui assure Plaisance au duc de Parme, et cela ne vaudra-t-il pas à mes anges quelques fromages de Parmesan ?


5350. — À M. LEKAIN.
27 juillet.

Monsieur le Garrick de France, vous n’êtes le Garrick que pour le mérite, et non pour la bourse. Vous vous en tenez aux applaudissements du public, et vous laissez là les pensions de la cour ; mais quand une fois le roi aura sept cent quarante millions net de revenu annuel[2], qu’on lui promet dans des brochures, je ne doute pas que vous ne soyez alors couché sur l’état. Vous venez de faire un miracle : vous avez fait supporter à la nation une tragédie sans femmes[3] ; vous avez aussi fait paraître un corps mort. Vous parviendrez à faire changer l’ancienne monotonie de notre spectacle, qu’on nous a tant reprochée. Il faut avouer que jusqu’ici la scène n’a pas été assez agissante ; mais aussi gare les actions forcées et mal amenées ! gare le fracas puéril du collège ! Tout a ses mouvements, et le chemin du bon est bien étroit. Vous avez trouvé ce chemin, mon grand acteur ; je ne serai content que lorsque vous serez dans celui de la fortune, et que la cour vous aura rendu justice. Je vous embrasse bien tendrement. Mme Denis vous fait mille compliments.


5351. — À M. LE CARDINAL DE BERNIS.
À Ferney, 29 juillet.

Je me suis imaginé, monseigneur, qu’à la longue je pourrais bien vous ennuyer en vous parlant de la douceur de vivre à la campagne, et de cultiver en paix la philosophie et son jardin.

  1. Ivan fut poignardé le 16 auguste 1764.
  2. Voyez la note 2, page 499.
  3. Voyez page précédente.