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drions ensemble un petit conciliabule de tolérance. Je voudrais qu’en inspirant la modération l’ouvrage fût modéré.

Gardez-moi un profond secret, mes frères. Il ne faut pas que mon nom paraisse ; je n’ai pas bon bruit.

Tenez, voilà un petit chapitre[1] pour vous amuser. Renvoyez-le, ou plutôt rapportez-le, et raisonnons.

J’ai donné, à tout hasard, une lettre pour M. le baron de Breteuil[2], parce qu’il faut que je fasse tout ce que vous m’ordonnez. Il y a environ trente ans que je ne l’ai vu, mais cela n’y fait rien ; on est impudent avec bienséance, quand il s’agit de rendre service et de vous obéir.

La Lettre à Christophe me donne la pépie. Je ne dormirai point que je n’aie vu la Lettre à Christophe : avez-vous lu la Lettre à Christophe ? pouvez-vous me faire avoir la Lettre à Christophe ? où trouve-t-on la Lettre à Christophe ?

Bonsoir, mon cher philosophe ; mes respects à Arius.


5261. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Aux Délices, 2 avril 1763, veille de Pâques.

Mes yeux permettent à ma main d’écrire. Mes anges, vous êtes bien tulélaires, et vous n’êtes pas oisifs. Le Père Mabillon n’a jamais tant fait de recherches que vous daignez m’en envoyer. Il y a surtout un Corneille, vinaigrier, dans le treizième siècle, qui est un point d’érudition assez rare. N’est-ce point ce vinaigrier-là qui a fait Suréna et Pulchérie ? Il est vrai, mes anges, que je me plains quelquefois du temps que ces dernières pièces me font perdre. Figurez-vous la mine que fait un pauvre homme qui a été presque aveugle tout l’hiver, et qui était forcé de lire Attila imprimé menu. Ma mauvaise humeur n’empêche pas que je ne rende à notre père Pierre toute la justice qui lui est due ; et si je révèle la turpitude[3] de notre père, c’est en adorant ce qu’il a de bon.

Adélaïde du Guesclin, ou le duc de Foix, bonnet sale ou sale bonnet, c’est la même chose ; c’est-à-dire que ces deux pièces sont également médiocres, à cela près que le bonnet sale d’Adélaïde est encore plus sale que celui du Duc de Foix.

  1. Probablement celui dont il été question dans la lettre 5103.
  2. On. n’a pas cette lettre de recommandation, qu’un Genevois allant en Russie devait remettre à l’ambassadeur de France, et qui n’arriva entre les mains de Breteuil qu’à son retour à Paris, fin juillet.
  3. Levitique, xviii, 7.