Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/416

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

juges[1] voulaient la révision parce que la révision suppose un jugement inique, au lieu que la cassation peut ne supposer qu’une procédure irrégulière.

On a mis dans la Gazette de Berne une grosse sottise. On y dit que la veuve Calas a été mise hors de cause avec défense de poursuivre. J’écrirai pour faire rectifier cette impertinence.

Je vous embrasse. Faites, je vous prie, mes compliments à Mme Calas et à ses filles, et à MM. de Lavaysse et Dumas.


5209. — À M. L’ABBÉ DE VOISENON.
À Ferney, 28 février[2],

Mon très-cher et très-aimable confrère, en même temps que c’est à ce que vous avez déjà fait connaître de vos talents que, etc ; voilà une belle phrase[3] ; mais il me paraît que mon cher évêque a tout un autre style. Je ne sais pas si votre teint était couleur jaune ce jour-là, mais le coloris de votre discours était fort brillant.

En vous remerciant de la félicité et de la fleurette dont vous m’honorez[4]. Voulez-vous que je vous parle net[5] ? ni Crébillon ni moi ne méritons tant de bontés. Entre nous, je ne connais pas une bonne pièce depuis Racine, et aucune avant lui où il n’y ait d’horribles défauts. Si vous avez jamais pu vous résoudre à lire tout Corneille (ce qui est une très-rude pénitence), vous aurez vu que c’est lui qui a toujours cherché à être tendre ; il n’y a pas une de ses pièces (j’en excepte Chimène et Pauline) où il n’y ait un amour postiche et ridicule, très-ridiculement exprimé.

C’est Racine qui est véritablement grand, et d’autant plus grand qu’il ne paraît jamais chercher à l’être ; c’est l’auteur d’Athalie qui est l’homme parfait. Je vous confie qu’en commentant Corneille je deviens idolâtre de Racine. Je ne peux plus souffrir le boursouflé et une grandeur hors de nature.

Vous savez bien, fripon que vous êtes, que les tragédies de Crébillon ne valent rien ; et je vous avoue en conscience que les

  1. Comme membres du grand conseil.
  2. Cette lettre a été jusqu’à présent datée du 23 ; mais Voltaire y parle du discours de réception que dans sa lettre à Bernis, du 25, il dit ne pas encore avoir reçu. J’ai pensé qu’il fallait, au lieu du 3, mettre un 8. (B.)
  3. Elle est dans le troisième alinéa de la réponse du duc de Saint-Aisnan au Discours de réception de Voisenon.
  4. Un alinéa de quelques lignes est, dans le Discours de Voisenon, à la louange de Voltaire.
  5. Misanthrope, acte II, scène i.