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le froid Ramire, avec la manière absolument nécessaire dont il faut jouer la dernière scène. Cela sera joint à une petite préface, en forme de lettre[1], à la demoiselle Clairon, attendu que la pièce est tout amour, et que nous disserterons beaucoup sur cette passion agréable et honnête. Daignez donc me mander quand vous voudrez jouer Zulime, et alors tous vos ordres seront exécutés.

Je reviens, avec votre permission, mes anges, à notre mariage, qui m’intéresse plus que celui d’Atide et de Ramire. En voilà déjà un de rompu[2] ; il ne faut pas qu’il arrive la même chose à l’autre. Est-il vrai que François Corneille soit aussi têtu qu’imbécile, et diamétralement opposé à l’hymen de Marie ? En ce cas, il faudrait lui détacher Mlle Félix, qui sait comme il faut le conduire, et le mettre à la charrue sans qu’il regimbe ; mais je ne sais point la demeure de Mlle Félix. Quand nous lui avons écrit[3], c’était par le canal du pindarique LeBrun. Nous ne savons encore si nos lettres ont été reçues, et il me paraît difficile que j’aie un commerce bien régulier avec cet élève de Pindare. Le mieux serait de ne point lâcher les vingt-cinq louis à François qu’il n’eût signé ; et si, par une impertinence imprévue, François refusait d’écrire tout ce qu’il sait, c’est-à-dire d’écrire son nom, alors François de Voltaire, qui est la justice même, le laisserait mourir de faim, et il ne tâterait jamais des souscriptions. Marie Corneille est majeure dans deux mois, nous la marierions malgré François, et nous abandonnerions le père à son sens réprouvé.

Calmez-vous, mes chers anges, sur la fatale feuille qui déplairait tant à messieurs[4]. Cette feuille n’a point été tirée, je l’ai bien empêché. Philibert Cramer a très-mal fait de la coudre à son exemplaire. Je sentis bien que ces mots : « Cent quatre-vingts membres se démirent de leurs charges ; les murmures furent grands dans la ville, et le roi fut assassiné[5] etc. ; » que ces mots, dis-je, pourraient faire soupçonner à des grammairiens que cet assassinat fut le fruit immédiat du lit de justice, comme en effet Damiens l’avoua dans ses interrogatoires à Versailles et à Paris. Je sais bien qu’il est permis de dire une vérité que le parlement a fait imprimer lui-même ; mais j’ai bien senti aussi que le parlement serait fâché qu’on vît dans l’histoire ce qu’on voit dans le procès-verbal. Cette seule particule et est un coup mortel. Un

  1. Voyez cette Lettre ou Dédicace, en tête de Zulime, tome IV.
  2. Celui avec Cormont ou Vaugrenant.
  3. Voyez page 357.
  4. Titre des conseillers au parlement.
  5. Voyez la note, tome XV, page 388.