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5104. — À M. DEBRUS[1].

Mille tendres amitiés. J’espère plus que jamais que tout ira bien ; mais je présume, quoi qu’on dise, qu’il faudra encore des secours ; je me flatte que nous en aurons.

Vous me feriez grand plaisir de faire présenter mes respects à Mme de Haran[2]. On dit qu’elle a signalé sa générosité dans cette affaire, qui sera la honte de la nation si on ne fait pas une entière justice.


5105. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
16 décembre.

Ô mes anges ! vous avez entrepris d’affubler Mlle Corneille du sacrement de mariage, seul sacrement que vous devez aimer. Mon demi-philosophe, que vous m’avez dépêché, n’est pas demi-pauvre, il l’est complètement. Son père n’est pas demi-dur, c’est une barre de fer. Il veut bien donner à son fils mille livres de pension ; mais, en récompense, il demande que je fasse de très-grands avantages : de sorte que je ne suis pas demi-embarrassé. Je n’ai presque à donner à Mlle Corneille que les vingt mille francs que j’ai prêtés à M. de La Marche, qui devraient être hypothéqués sur la terre de la Marche, et sur lesquels M. de La Marche devrait s’être mis en règle depuis un an ; au lieu que je n’ai pas même de lui un billet qui soit valable. Cela s’est fait amicalement, et les affaires doivent se traiter régulièrement.

Ces vingt mille francs donc, quatorze cents livres de rente déjà assurées, environ quarante mille livres de souscription, le marié et la mariée nourris, chauffés, désaltérés, portés[3] pendant notre vie, c’est là une raison qui n’est pas la raison sans dot[4] ; et si un père qui ne donne rien à son fils le philosophe trouve que

  1. Éditeur, A. Coquerel.
  2. Ce nom ne nous est pas connu. Il s’agit sans doute de quelque don considérable fait aux Calas entre les mains de leurs amis de Genève. Voltaire s’empresse aussitôt de faire offrir ses hommages aux bienfaiteurs de ses protégés. Personne n’était insensible aux prévenances d’un personnage si illustre et si puissant sur l’opinion. (Note du premier éditeur.)
  3. Allusion au vers du Joueur de Regnard, acte III, scène iii :

    Alimenté, rasé, désaltéré, porté.

  4. Voyez l’Avare de Molière, acte I, scène v.