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ai le cœur percé, et je ne lui pardonne pas encore de nous avoir pris pour des conjurés. Je ne conçois pas comment il a pu imaginer un moment que cette infâme et sotte lettre fût de moi. Je lui ai envoyé la véritable avec votre petit billet. Il verra à qui il a affaire, et que nous sommes dignes de son estime et de ses bontés.

Je persiste à croire que le parlement de Toulouse doit réparation à la famille des Calas, qu’Omer doit faire amende honorable à la philosophie, et que ce n’est pas assez d’abolir les jésuites quand on a tant d’autres moines.

Nous sommes au sixième tome de Corneille le sublime et le rabâcheur. Sa nièce joue la comédie très-joliment, et me fait plus de plaisir que son oncle. Nous avons à Ferney des spectacles toutes les semaines, et en vérité d’excellents acteurs. Il y a beaucoup à travailler à l’Olympie ; l’ouvrage des six jours était fait pour que l’auteur se repentît. Il m’a fallu mettre un an à polir ce qu’une semaine avait ébauché. Les difficultés ont été grandes ; nous verrons si j’en serai venu à bout. Au bout du compte, il est assez plaisant de faire les pièces, le théâtre, les acteurs, les spectateurs. Les déserts du pays de Gex sont fort étonnés. L’infâme commence à y être fort bafouée. Rendez-lui toujours le petit service de la montrer dans tout son ridicule et dans toute sa laideur. Le curé d’Étrépigny[1] fait de merveilleux effets en Allemagne. J’ai lu le Dictionnaire des hérésies[2] : je connais quelque chose d’un peu plus fort[3]. Dieu nous aidera.

Adieu ; je vous embrasse tendrement.


5081. — À M. LE MARQUIS DE CHAUVELIN.
Aux Délices, 1er novembre.

Puisque Votre Excellence aime notre tripot à ce point, puisqu’elle se prête avec tant de bonté à nos tragiques bagatelles, voici la scène qui finit l’acte troisième, et voici tout le quatrième acte. Il n’y a plus, à la vérité, tant de fracas à la fin de cet acte quatrième. C’est un beau sujet de tableau qu’une femme mourante, sa fille à ses pieds, un amant furieux venant enlever cette fille qui le repousse, l’amant saisi d’horreur et de pitié, tous les

  1. Jean Meslier ; voyez tome XXIV, page 293.
  2. Par l’abbé Pluquet ; voyez page 254.
  3. Le Dictionnaire philosophique, déjà sous presse et imprimé en partie, mais qui ne parut qu’en 1764.