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est, il sera instructif pour les juges, et cela suffit. On attend beaucoup de celui de M. de Beaumont, il sera signé des plus fameux avocats de Paris ; cette signature fera un effet prodigieux.

M. d’Argental se donne tous les mouvements possibles ; mon neveu agit de son côté avec beaucoup de succès. Je vois évidemment par la disposition des esprits que le parlement de Toulouse sera confondu. Cet exemple pourra servir à inspirer la tolérance que les hommes se doivent les uns aux autres, et qu’ils pratiquent si peu.

M. le duc de Nivernois part aujourd’hui pour l’Angleterre ; il paraît qu’on peut compter sur la paix.


5028. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[1].
5 septembre.

Madame, voilà donc la paix presque faite. Votre Altesse sérénissime s’en réjouit, et il y a grande apparence que Votre Altesse ne fera plus les honneurs de chez elle qu’à ceux qui viendront uniquement pour lui faire leur cour. On y venait en trop grande compagnie, et sans être prié, ce qui est assurément contre les règles de la civilité. Le grand fléau qui désolait l’Europe va donc cesser, jusqu’à la première fantaisie d’un roi et d’un ministre qui voudront faire parler d’eux. Il ne nous reste plus que les petits fléaux ordinaires. L’aventure de Calas est de ce nombre, et j’espère qu’on réformera ce détestable arrêt d’assassins en robe. J’y travaille du fond de ma retraite, et malgré mes infirmités. Je ne veux point mourir que je n’aie vu la fin de cette affaire.

Je crois celle de Russie finie ; la czarine a fait une plaisante oraison funèbre de monsieur son mari[2].

Votre Altesse sérénissime veut un Meslier ; le voilà, accompagné d’un petit sermon qu’on a imputé au roi de Prusse, quoique à tort. Je ne vous envoie, madame, ces deux ouvrages extrêmement rares que parce qu’ils ne sont empoisonnés d’aucun levain d’athéisme. On y déteste les erreurs humaines, et

    chacun, j’en conviens, y apporte la lumière, qui jaillit à grands flots de tous les côtés à la fois : mais l’éloquence simple, vive, moins déclamatoire que pathétique c’est ce qu’on trouve chez Voltaire seul. (Note du premier éditeur.)

  1. Éditeurs, Bavoux et François. — Cette lettre est de 1762, et non de 1760.
  2. Elle attribuait la mort de Pierre III à des hémorroïdes.