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servie. Qu’elle voie seulement ses amis, et surtout M. Héron, premier commis du conseil, et M. Tronchin. Qu’elle ne craigne point les prêtres de Toulouse ; on n’a que faire à présent de sa servante ; on sait assez que cette servante a déposé en faveur de son maître[1]. On n’a besoin de personne. Il ne s’agira que de faire valoir la loi qui ordonne que le témoignage des témoins nécessaires soit reçu en faveur des accusés, quoique ces témoins aient été accusés eux-mêmes.

Il ne tiendra donc qu’à impliquer dans une accusation tous les témoins favorables pour perdre un innocent ! Cela est affreux et absurde.

C’est aux avocats à faire triompher ces raisons, et c’est à Mme Calas, qui a tout le public pour elle, j’ose dire toute l’Europe, à conserver son repos et sa fermeté.

Au dos :29 juillet.

4986. — DE M. D’ALEMBERT.
À Paris, le 31 juillet.

Comment avez-vous pu imaginer, mon cher et illustre maître, que j’aie eu intention de vous comparer à Zoïle ? Je ne suis ni injuste ni sot à ce point-là ; j’ai seulement cru devoir vous représenter que vos ennemis, qui vous ont déjà dit tant d’autres injures plus graves et aussi peu méritées, ne vous épargneraient pas cette nouvelle qualification, pour peu que vous laissiez subsister, dans vos remarques sur Corneille, ce ton sévère qui se montre surtout dans celles sur Rodogune, et qui a paru blesser quelques-uns de nos confrères. Il pourrait nuire même à vos critiques les plus justes, et il ne faut pas donner cet avantage à vos ennemis. Il s’en faut de beaucoup, en mon particulier, que je trouve Rodogune une bonne pièce, soit pour le fond, soit pour le style ; mais si j’avais des coups de bâton à lui donner, ce serait comme Alcidas à Sganarelle dans le Mariage forcé[2], avec de grandes protestations de respect et de désespoir d’y être obligé. « On me

  1. Jeanne Viguier, comme Lavaysse, fut en butte à des obsessions et à des calomnies de toute espèce. On fit courir plus d’une fois le bruit qu’elle avait avoué le meurtre de Marc-Anloine. Longtemps même après l’arrêt définitif de réhabilitation, en 1767, elle fut encore obligée de faire publier une déclaration par laquelle elle persistait dans ses précédents témoignages.

    Au moment où Voltaire écrivit ce billet, elle était éloignée de Mme Calas, qu’on avait inquiétée par de faux rapports au sujet de l’empire que le clergé avait pris sur Jeanne, qui était, comme on le sait, fervente catholique. (Note du premier éditeur.)

  2. Comédie de Molière, scène xvi.