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jardins, que je joue la comédie. Mais je suis sage, j’entamerai les fonds le moins que je pourrai. Les châteaux et les comédies sont chers. Mme Denis veut un théâtre, et moi, une belle église. Nous irons tous à l’hopital entre Jésus-Christ et Corneille.


4685. — DE MADAME LA MARQUISE DU DEFFANT[1].
20 septembre 1761.

Je vous écrivis l’autre jour quatre mots : je satisfaisais mon impatience en me hâtant de vous indiquer un moyen de m’envoyer ce que je désirais. J’ai bien peur que vous n’ayez pas reçu ma lettre avant le départ de. M. de Jaucourt. Je ne suis heureuse en rien, et vous êtes accoutumé à me tout refuser ; mais de tous vos refus, celui qui me surprend le plus, c’est le compliment au président sur la mort de M. d’Argenson. Je vous mandais qu’il en recevait de tout le monde ; que le défunt lui avait fait un legs ; enfin, vous n’ignorez pas quelle était la liaison et l’ancienneté de leur connaissance. Qu’importe que vous eussiez dû des compliments à M. d’Argenson en pareil cas ? … vous n’étiez pas autant de ses amis que vous l’êtes du président ; et puis vous lui eussiez dû un compliment, n’eut été que pour honorer la mémoire du président, lui donner des témoignages de regret, d’estime et d’amitié. C’est avec répugnance que je me prête à une pareille supposition. Mais, monsieur, vous m’affligez par la conduite que vous avez avec mon meilleur ami, et qui, en vérité, devrait être le vôtre. Il n’y a point de marque de considération et d’estime que vous n’ayez reçu de lui. Nous ne cessons l’un et l’autre de parler de vous, et nous ne trouvons personne qui sente aussi bien que nous le mérite et l’agrément de tout ce que vous avez fait. J’évite actuellement de lui parler de vous ; je détourne la conversation qui pourrait y amener, pour éviter l’embarras où je serais de vous excuser. Je crois, mais je n’en suis pas sûre, qu’il vous a envoyé son estampe. Je lui en ai vu l’intention ; mais apparemment vous ne l’avez pas encore reçue ; je le détournerai de vous l’envoyer, je vous assure, si vous ne réparez pas vos torts.

Expliquez-moi votre conduite, et, croyez-moi, ne perdez pas volontairement l’amitié du plus ancien, du plus aimable et du plus sincère de vos amis.

Vous n’aurez que cela de moi aujourd’hui ; un autre jour nous philosopherons.

  1. Correspondance complète de Mme du Deffant, etc., publiée par M. le marquis de Saint-Hilaire. Édiliou 1877.