Non-seulement M. Watelet prend cinq exemplaires, mais il a la bonté de dessiner et de graver le frontispice. Il nous aide de ses talents et de son argent.
Enfin que direz-vous quand je vous apprendrai que M. Bouret, qui me connaît à peine, a souscrit pour vingt-quatre exemplaires ?
Tout cela s’est fait avant qu’il y eût la moindre annonce imprimée, avant qu’on sût de quel prix serait le livre. La compagnie des fermes générales a souscrit pour soixante.
Plusieurs autres compagnies ont suivi cet exemple.
Cette noble émulation devient générale. À peine le premier bruit de cette édition projetée s’est répandu en Allemagne que monseigneur l’Électeur palatin, Mme la duchesse de Saxe-Gotha, se sont empressés de la favoriser.
À Londres, nous avons eu milord Chesterfield, milord Lyttelton, M. Fox le secrétaire d’État, M. le duc de Gordon, M. Crawford, et plusieurs autres.
Vous voyez, mon cher confrère[1], que tandis que la politique divise les nations, et que le fanatisme divise les citoyens, les belles-lettres les réunissent. Quel plus bel éloge des arts, et quel éloge plus vrai ! Autant on a de mépris pour des misérables qui déshonorent la littérature par leurs infamies périodiques, et pour d’autres misérables qui la persécutent, autant on a de respect pour Corneille dans toute l’Europe.
Les libraires de Genève[2] qui entreprennent cette édition entrent généreusement dans toutes nos vues ; ils sont d’une famille qui depuis longtemps est dans les conseils ; l’un d’eux en est membre. Ils pensent comme on doit penser ; nul intérêt, tout pour l’honneur.
Ils ne recevront d’argent de personne avant d’avoir donné le premier volume. Ils livreront pour deux louis d’or douze ou treize tomes in-4° avec trente-trois belles estampes. Il y a certainement beaucoup de perte. Ce n’est donc point par vanité que j’ai osé souscrire pour cent exemplaires, c’était une nécessité absolue ; et sans les bienfaits du roi, sans les générosités qui viennent à notre secours, l’entreprise était au rang de tant de projets approuvés et évanouis.
Je vous demande pardon d’une si longue lettre : vous savez