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aurait que ces noms barbares, ils eussent suffi pour faire tomber Pertharite ; et c’est à quoi Boileau fait allusion quand il dit :


Qui de tant de héros va choisir Childebrand[1].


Mais Garibalde, tout Garibalde qu’il est, ne laisse pas de jouer avec son Éduige absolument le même rôle qu’Oreste avec Hermione. Éduige aime encore Grimoald, comme Hermione aime Pyrrhus : elle veut que Garibalde la venge d’un traître qui la quitte pour Rodelinde. Hermione veut qu’Oreste la venge de Pyrrhus, qui la quitte pour Andromaque.


ÉDUIGE.

Pour gagner mon amour il faut servir ma haine[2].

HERMIONE.

Vengez-moi, je crois tout[3].

GARIBALDE.

Le pouvez-vous, madame ? et savez-vous vos forces ?
Savez-vous de l’amour quelles sont les amorces ?
Savez-vous ce qu’il peut ? et qu’un visage aimé
Est toujours trop aimable à ce qu’il a charmé ?
Non, vous vous abusez, votre cœur vous abuse[4], etc.

ORESTE.

Et vous le haïssez ! Avouez-le, madame,
L’amour n’est pas un feu qu’on renferme en une âme ;
Tout nous trahit, la voix, le silence, les yeux ;
Et les feux mal couverts n’en éclatent que mieux[5].


Ces idées, que le génie de Corneille avait jetées au hasard, sans en profiter, le goût de Racine les a recueillies et les a mises en œuvre ; il a tiré de l’or, en cette occasion, de stercore Ennii[6].

  1. Art poétique, III, 242.
  2. Pertharite, acte II scène i.
  3. Andromaque, acte IV, scène iii.
  4. Pertharite, acte II, scène i.
  5. Andromaque, acte II, scène ii.
  6. Parmi les divers morceaux qui sont à la suite des Lettres chinoises, etc. (premières éditions ; voyez tome XXIX, page 451), est un Fragment d’une lettre à M. l’abbé d’Olivet : ce très-long Fragment est sans date. Je ne l’ai, sauf erreur, vu dans aucune édition des Œuvres de Voltaire. J’ai pensé que je pouvais le placer ici.

    « Les raisonneurs sans génie, et qui dissertent aujourd’hui sur le siècle du