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patrie et à celle de Pierre Ier ; j’abandonne le reste à la malignité de vos ennemis et des miens. M. le duc de Choiseul et tous nos meilleurs juges ont trouvé que j’ai fait voir assez heureusement, dans ma préface, qu’il ne faut écrire que ce qui est digne de la postérité, et qu’il faut laisser les petits détails aux petits faiseurs d’anecdotes. Ce sera à vous, monsieur, à me prescrire l’usage que je devrai faire des particularités que les mémoires manuscrits de M. de Bassevitz m’ont fournies. Encore une fois, je ne suis que votre secrétaire. Il est bien vrai que vous avez choisi un secrétaire trop vieux et trop malade ; mais il vous consacre avec joie le peu de temps qui lui reste à vivre. J’admirais Pierre Ier en bien des choses, et vous me l’avez fait aimer. Le bien que vous faites aux lettres dans votre patrie me la rend chère. Quelqu’un a fait le Russe à Paris[1] ; je me regarde comme un Français en Russie. Disposez d’un homme qui sera, tant qu’il respirera, avec l’attachement le plus vrai, et les sentiments les plus remplis de respect et d’estime, etc.


4565. — À M. ARNOULT,
à dijon.
Le 9 juin.

J’ai fait usage sur-le-champ, monsieur, de vos bons avis et de votre modèle de sommation auprès du pauvre promoteur savoyard, et du malin procureur du roi de la caverne de Gex. Je n’ai pu parler de ma nef, qui, n’étant point encore abattue quand je vous envoyai mes paperasses, rendait mon église très-idoine à dire et entendre messe ; car, selon Ducasse[2] et selon le droit ecclésiastique, on peut dire messe quand la majeure partie de l’église n’est point entamée ; mais ayant depuis fait jeter la nef par terre avec partie du chœur, et ayant rebâti à mesure, il n’y avait plus moyen de se plaindre qu’on allât célébrer ailleurs. Je ne prétends point toucher à l’encensoir ; mais quand j’aurai achevé mon église, ce sera à l’évêque d’Annecy à voir s’il la veut rebénir ou non, et m’excommunier comme je le mérite, pour m’être ruiné à faire des pilastres d’une pierre aussi chère et aussi belle que le marbre. Je suis le martyr de mon zèle et de ma piété : une bonne âme trouve ses consolations dans sa conscience.

  1. Voyez cette satire, tome X.
  2. Voyez lettre 4563.