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plus rire ; je suis réellement très-affligé. Dès que la préface ou post-face de la comédie des Philosophes parut, je fus indigné. J’écrivis à Thieriot, je le priai de vous parler et de chercher le malheureux libelle de la Vie heureuse du malheureux La Mettrie, qu’on veut imputer à des philosophes. La cour ne sait pas d’où sont tirés ces passages scandaleux, et les attribuera aux frères, et dira : Palissot est le vengeur des mœurs, et on coffrera les frères, et on aura les philosophes en horreur.

Ô frères, soyez donc unis ! fratrum quoque gratia rara est[1].

Mandez-moi, je vous en supplie, où l’on en est. On fera sans doute un recueil[2] des pièces du procès. Serait-il mal à propos de mettre à la tête une belle préface, dans laquelle on verrait un parallèle des mœurs, de la science, des travaux, de la vie des frères, de leurs belles et bonnes actions, et des infamies de leurs adversaires ? Mais, ô frères ! soyez unis.

Quand je vous écrivis, en beau style académique : Je m’en f…[3], et que vous me répondîtes, en beau style académique, que vous vous en f……, c’est que je riais comme un fou d’un ouvrage[4] de quatre cents vers, fait il y a quelque temps, où Fréron, et Pompignan, et Chaumeix, jouent un beau rôle. On dit que ce poëme est imprimé. Il est, je crois, de feu Vadé, dédié à maître Abraham ; et maître Joly est prié de le faire brûler. La Palissoterie est venue, sur ces entrefaites, et j’ai dit : Ah ! Vadé, pourquoi êtes-vous mort avant la Palissoterie ?

Et alors on m’envoyait de mauvais Quand et de mauvais Pourquoi[5] contre moi ; et je disais : Je m’en f…, en style académique.

Et dites au diacre Thieriot qu’il persévère dans son zèle, et qu’il m’envoie toutes les pièces des fidèles, et toutes celles des fanatiques et des hypocrites ennemis de la raison. Et soyez unis en Épicure, en Confucius, en Socrate, et en Épictète ; et venez aux Délices, qui sont devenues l’endroit de la terre qui ressemble le plus à Éden, et où l’on se f… de maître Joly et de maître Chaumeix.

  1. Ovide, Métam., I, 146.
  2. Elles se trouvent en effet dans le Recueil des facéties parisiennes, dont Voltaire fit la préface ; voyez tome XXIV, page 127.
  3. C’est dans les lettres à Thibouville et à Thieriot (voyez n° 4131 et 4135) que Voltaire avait employé la phrase académique, comme dit d’Alembert (voyez lettre 4152). Il y a ici quelque lettre perdue, ou seulement, peut-être, quelque transposition. (B.)
  4. Le Pauvre Diable (voyez tome X) a quatre cent vingt vers.
  5. Ce sont les VII Quand, etc., et les Pourquoi, dont il est parlé dans la note, tome XXIV, page 111.