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pons plus de ces objets sur la frontière qu’on ne fait à Paris, parce que nous voyons le danger de plus près. La perte de nos flottes, de nos armées, de nos finances, n’empêche pas vos chers compatriotes de faire bonne chère sur des cul noirs, d’appeler M. Bertin le médecin malgré lui, et de courir siffler les pièces nouvelles.

Je me flatte au moins que le Spartacus de M. Saurin n’aura pas été sifflé : c’est un homme de beaucoup d’esprit, et, de plus, philosophe ; c’est dommage qu’il n’ait pas travaillé à l’Encyclopédie.

Est-il vrai, ma belle philosophe, qu’il faut vous donner rendez-vous à Feuillassé ? Ce serait de votre part un bel exemple. Si vous êtes capable d’une si bonne action, je ne serai plus malade ; je braverai la bise comme vous. Toutes les Délices sont à vos pieds.


4061. — À M. DE BRENLES.
Aux Délices, 3 mars.

Votre petit mémoire, mon cher ami, est une bonne provision pour l’histoire ; mais il doit servir encore plus à la philosophie. Il peut apprendre aux hommes nés libres qu’ils ne doivent point vendre leur sang à des maîtres étrangers, qu’ils ne connaissent pas, et qui peuvent leur faire plus de mal que de bien.

J’ai la plus grande envie de venir philosopher avec vous avant que vous retourniez à Ussières. Je ne regrette guère les bals et les comédies, mais je regrette beaucoup votre conversation. Je vous prie de vouloir bien ne me pas oublier auprès de vos amis, et surtout auprès de M. le bailli de Lausanne et de madame son épouse. La vôtre vous a-t-elle donné quelque petit philosophe ?

Je vous embrasse de tout mon cœur ; adieu. La misère et le trouble sont en France ; nous avons ici le nécessaire et la paix. V.


4062. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL[1].
3 mars 1760.

Mon divin ange, le vent du nord me tue. Je n’ai pas pensé au tripot depuis que ce maudit vent souffle dans ma vallée. J’apprends que Spartacus n’est pas de maleficiatis, mais qu’il est de frigidis. Je m’en suis douté. Un gladiateur ne saurait être tendre, et j’ai peur que l’esprit de Saurin ne tienne un peu de la trempe du gladiateur.

  1. Dernier volume des œuvres de Voltaire, 1862.