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J’ai encore une grâce à vous demander, c’est de dire à M. de Fleury[1], votre ami, qu’il n’y a point d’intendant si aimable que lui dans le monde.

Autre grâce : permission de chasse dans le royaume des lièvres pour mon parent Daumart, mousquetaire du roi ; pourrait-il être lieutenant des chasses ? Le gibier serait gardé, et les magnifiques seigneurs horlogers ne le mangeraient pas.


3745. — À M. LE PRÉSIDENT DE RUFFEY[2].

Ainsi donc, monsieur, vous m’envoyez des roses, et quidquid calcaveris rosa fiet. Avez-vous vu M. le président de Brosses[3] ? S’il vient dans un an à Tournay, il demandera où était le château. Le plaisir de bâtir et de planter flatte un peu l’amour-propre, et cela est vrai ; mais le plaisir de mettre les choses dans l’ordre est bien plus grand. J’ai une telle horreur pour la difformité que j’ai rajusté deux maisons en Suisse, uniquement parce que leur irrégularité me blessait la vue. Les propriétaires ne sont pas fâchés de trouver un homme de mon humeur. Je ne me mêle point de réformer les mauvais livres, qui pleuvent dans Paris, mais bien les maisons où je loge. Hoc curo et omnis in hoc sum[4]. J’ai été trop fâché de n’avoir pu avoir l’honneur de vous loger dans mon chétif ermitage des Délices, pour ne pas bâtir au plus vite quelque chose de plus digne de vous recevoir. Votre chambre des comptes n’entendra pas sitôt parler de moi. L’acquisition de la terre de Ferney m’a causé plus d’embarras que celle de Tournay ; tout a été fini en un quart d’heure avec M. de Brosses ; mais pour Ferney, il n’en va pas de même : monseigneur Paramont, le sérénissime comte de La Marche, me remet la moitié des droits, et son conseil exige que je spécifie ce qui dépend de lui et ce qui n’en dépend pas ; c’est une distinction très-difficile à faire et qui demande des recherches de bénédictins. Je me donne bien de garde de faire des actes de seigneur à Ferney. Je n’ai point

  1. M. Joly de Fleury, intendant de Bourgogne, frère de l’avocat général de Paris.
  2. Éditeur, Th. Foisset. — Cette lettre est une réponse à la lettre que M. de Ruffey avait adressée à Voltaire le 1er janvier 1759.
  3. M. de Brosses ne faisait qu’arriver à Dijon, de retour de Tournay, qu’il venait de vendre à vie à Voltaire.
  4. Horace a dit :

    Quid verum atque decens curo et rogo ; et omnis in hoc sum.

    (Epist. i, lib. I.)