Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/105

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

verser, je n’en prendrais point d’alarmes ; j’ai su faire à peu près comme vous. J’ai des terres libres, je veux y vivre et y mourir. Il est vrai que je m’y prends un peu tard pour bâtir et pour planter, mais la vraie jouissance est dans le travail ; la culture est un aussi grand plaisir que la récolte. Le docteur Pangloss est un grand nigaud avec son tout est bien ; je crois que les choses ne vont bien que pour ceux qui restent chez eux, ou pour M. de Zeutmandel[1] et pour sa grasse et riche chanoinesse, qui épouse un très-aimable mari. Tout sera bien longtemps pour vous, madame, puisque vous avez le courage de conserver votre régime ; ce n’est pas une petite vertu, et votre vertu sera récompensée. Je ne vous mande aucune nouvelle, je n’en sais que des siècles passés ; si vous en savez du siècle présent, ne m’oubliez pas ; mais songez toujours que celles qui vous regardent me sont les plus chères, et que je vous suis attaché avec le plus tendre respect.


3847. — À M. BERTRAND.
Aux Délices, 12 mai.

Je suis devenu un paresseux depuis quelque temps, mon cher ami ; je ne vous ai point informé que j’avais envoyé votre lettre à l’abbé Pernetti ; je ne vous ai point dit non plus combien l’Académie de Lyon est flattée de vous avoir parmi ses membres, et à quel point on a été content de tout ce que vous avez envoyé. Vous devez avoir reçu des nouvelles des libraires de l’Encyclopédie ; la publication de l’ouvrage, qui pourtant se fera un jour, rencontre aujourd’hui bien des difficultés. L’affaire des protestants, entreprise par Coudon, n’en rencontre pas moins. Je crois que les Autrichiens essuient encore plus de difficultés avec le roi de Prusse. Il m’écrit, du 22 avril, qu’il a dérangé tous leurs projets de campagne sans sortir de sa place. Si cela est, c’est assurément le plus grand général d’armée de l’Europe ; j’aimerais mieux qu’il en fût le pacificateur.

Adieu, mon cher philosophe ; mille tendres respects à M. et à Mme de Freudenreich.

Je vous embrasse. V.

  1. Ne serait-ce pas Zuchmantel ? Un baron de ce nom fut fait brigadier d’infanterie en février 1759. (Cl.)