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ici. Tandis qu’on tâche de les amuser, je suis enfermée dans mon antre comme la sibylle, et tâche d’y goûter des plaisirs dont ma misérable santé me permet encore de jouir.

Je viens de recevoir tout un paquet de Voltaire et de Mme Denis, que je prends la liberté de vous envoyer. Je suis fâchée qu’ils s’adressent à moi, mais de crainte d’être compromise dans cette mauvaise affaire, je vous envoie, mon très-cher frère, ce que je reçois de leur part. La lettre de Mme Denis montre de la conduite et de l’esprit, il paraît qu’elle n’est pas instruite des raisons qui vous ont porté à faire arrêter son oncle. S’il avait suivi ses conseils, il aurait agi plus sagement. Je le considère comme le plus indigne et misérable des hommes s’il a manqué de respect envers vous dans ses écrits ou dans ses paroles, une telle conduite ne peut que lui attirer le mépris des honnêtes gens. Un homme vif et bilieux comme lui entasse sottise sur sottise lorsqu’il a une fois commencé à en faire. Son âge, ses infirmités et sa réputation, qui est flétrie par cette catastrophe, m’inspirent cependant quelque compassion pour lui. Un homme réduit au désespoir est capable de tout. Vous trouverez peut-être, mon très-cher frère, que j’ai encore trop de support pour lui en faveur de son esprit, mais vous ne désapprouverez pas que j’aie pour lui la pitié qu’on doit même aux coupables dès qu’ils sont malheureux et lors même qu’on est obligé de les punir. Son sort est pareil à celui du Tasse et de Milton. Ils finirent leurs jours dans l’obscurité ; il pourrait bien finir de même. Si l’effort que font les poëtes à composer les poëmes épiques leur fait tourner la tête, nous pourrions bien être privés de ce genre de poësie à l’avenir, puisqu’il semble qu’il porte guignon à ceux qui s’y appliquent. Je vous demande mille pardons, mon très-cher frère, du griffonnage de cette lettre, ma tête toujours revêche et vraiment femelle en ce point m’empêche de la transcrire. Je suis avec toute la tendresse et le respect imaginable, mon très-cher frère, votre très-humble et obéissante sœur et servante.


Wilhelmine.

2614. — DE FREDERSDORFF AU BARON DE FREYTAG[1].
Potsdam. den 2 Juli 1753.

Seine Königliche Majestät lassen denselben auf Dero eingelaufenes vom 26. pass. zur gnädigsten Resolution ertheilen, da der Voltaire seine Sachen abgegeben, dass Ihm sowohl als seiner Niece ohne den geringsten Austand sollten die Wache abnehmen und gehen lassen, Ihm auch nicht über seine Echappade die geringste Quästion machen. Der ich mit wahrer IHochachtung die Ehre habe zu sein


Euer Hochwohlgeboren ganz ergebener Diener
Fredersdorff[2]
  1. Éditeur, Varnhagen von Ense.
  2. Traduction : Sa Majesté le roi vous fait communiquer sa gracieuse réso-