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que je ne pourrai faire de vers que dans le jardin des Délices. Il faut à présent que ma vieille muse se promène un peu pour se dégourdir. Je ne crois pas quæon ait beaucoup affaire de Mariamne, quand on a un Astyanax[1] et une Coquette[2], On dit que cette mademoiselle Hus[3] dont vous me parlez, ressemble plus à une Agnès qu’à une Salomé[4]. Cependant, si vous voulez qu’elle joue ce vilain rôle, je le lui donne de tout mon cœur, in quantum possum et in quantum indiget. Je suis gisant dans mon lit, ne pouvant guère écrire ; mais je vais donner les provisions de Salomé à ladite demoiselle.

Quoique vous ne méritiez pas que je vous dise des nouvelles, vous saurez pourtant que la cour d’Espagne envoie quatre vaisseaux de guerre à Buenos-Ayres contre le révérend père Nicolas[5]. Parmi les vaisseaux de transport il y en a un qui s’appelle le Pascal. Peut-être y êtes-vous intéressé comme moi, car il appartient à MM. Gilli[6]. Il est bien juste que Pascal aille combattre les jésuites ; mais ni vous ni moi ne paraissions faits pour être de la partie.

Je vous embrasse, mon cher ange.


3097. — À MADAME DE FONTAINE,
à paris.
À Monrion, 8 janvier.

J’envoie, ma chère nièce, la consultation de votre procès avec la nature au grand-juge Tronchin ; je le prierai d’envoyer sa décision par la poste en droiture, afin qu’elle vous arrive plus vite.

Vous me paraissez à peu près dans le même cas que moi : faiblesse et sécheresse, voilà nos deux principes. Cependant, malgré ces deux ennemis, je n’ai pas laissé de passer soixante ans ; et madame Ledosseur vient de mourir, avant quarante, d’une maladie toute contraire. Mme Bessières[7] avaient une vieille tante qui n’allait jamais à la garde-robe ; elle faisait seulement, tous les quinze jours, une crotte de chat que sa femme de chambre re-

  1. Tragédie de Châteaubrun, jouée le 5 janvier 1756, non imprimée.
  2. La Coquette corrigée, de La Moue, fut jouée le 23 février 1756.
  3. Mlle Hus, reçue à la Comédie française en 1753, se retira du théâtre en 1775, et mourut le 18 octobre 1805, à soixante-douze ans.
  4. L’un des personnages de la tragédie de Mariamne.
  5. Voyez tome XII, page 429.
  6. Voltaire, en 1764, écrivit à l’un d’eux une lettre qui fait partie de la Correspondance.
  7. La lettre 166 est adressée à l’une de ces demoiselles.