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est bien plaisant, et la vie est un drôle de songe. Je ne rêve pourtant pas en vous aimant de tout mon cœur. Mille tendres respects à tous les anges.


3056. — À M. DUPONT,
avocat.
Aux Délices, 11 novembre.

Je vous avoue, mon cher ami, que je suis indigné du procédé de Schœpflin ; vous savez que je lui ai prêté, pour deux ans, 10,000 livres, sans intérêt. Il a, sur ces 10,000 livres, dépensé quatre louis pour un Moréri, et a fourni quatre autres louis que j’ai prêtés ou donnés à cette comtesse de Linange. C’est resté à 9,808 livres que j’ai tirées sur lui par une lettre de change, il y a deux mois, très-inutilement. Cette lettre est entre les mains de M. Turckeim, marchand de fer, qui demeure à Colmar, et qui est frère du banquier de Strasbourg. Vous avez en main l’obligation ; je vous prie, mon cher ami, d’instrumenter sur-le-champ, et de me faire payer. Schœpflin n’a pas seulement répondu à une lettre de Colini ; et ni son procédé ni mes dépenses dans ma nouvelle acquisition ne me permettent d’attendre. Je vous demande pardon, tout avocat que vous êtes, de ne vous parler que de procès. Mille compliments à Mme Dupont ; je vous embrasse. V.


3057. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[1].
Aux Délices, près de Genève, 11 novembre 1755.

Madame, l’Ode sur la Mort[2] me convient beaucoup plus que la Pucelle ; je suis bien plus près de tomber dans les griffes de l’une que dans les bras de l’autre. Mais de qui est cette ode ? C’est une énigme dont il ne m’appartient pas de deviner le mot. Je vois ces terribles mots : De main de maître ; je vois une couronne ; je crains tout cela autant que la mort même. Je fais la révérence, et je me tais. S’il m’était permis de parler, je dirais que j’ai trouvé dans cet ouvrage des images fortes et des idées vraies ; mais je n’en dirai pas plus. C’est à Votre Altesse sérénissime à me faire la grâce tout entière et à daigner m’éclairer.

  1. Éditeurs, Bavoux et François.
  2. Par Frédéric II.