Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome38.djvu/494

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leur pauvre Canada contre quatre cents lieues d’un très-beau pays. Mais ils ne perdront pas grand’chose. Est-il vrai que les jésuites ont élu un de leurs pères roi du Paraguai, et que ce roi s’appelle Nicolas ? Un damné d’hérétique a fait ces vers à l’honneur de ce nouveau roi :


Du bon Nicolas premier
Le ciel bénisse l’empire,
El qu’il lui daigne octroyer,
Ainsi qu’à son ordre entier,
La couronne du martyre.


Avez-vous entendu parler de cette maudite Pucelle, de saint Denis et de saint Georges ? Tout cela est imprimé, et Dieu sait comment. J’ai vu cette maudite Jeanne. Elle a très-mauvaise façon, mais cela ne m’a pas paru si terrible que je croyais. Je ne veux que protester et rester tranquille. Mauvaise nouvelle de Cadix. C’est pis que Pucelle. On dit cependant que les Anglais ont été huit jours sans prendre de nos vaisseaux. Est-ce possible ?


3037. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
15 octobre.

Mon cher ange, vous commencez donc à être un peu content. Vous le seriez davantage sans trois terribles empêchements : la maladie, l’éloignement, et une Histoire générale qui me tue. Puis-je songer au seul Gengis quand je me mêle du gouvernement de toute la terre ? Les Japonais et les Anglais, les jésuites et les talapoins, les chrétiens et les musulmans, me demandent audience. J’ai la tête pleine du procès de tous ces gens-là. Vous avez beau me dire que la cause de Gengis doit passer la première, vous connaissez trop bien la faiblesse humaine pour ne pas savoir que nous ne sommes les maîtres de rien. Dites à vos fleurs de s’épanouir, à vos blés de germer, ils vous répondront : Attendez ; cela dépend de la terre et du soleil. Mon cher ange, ma pauvre tête dépend de tout. Je fais ce que je peux, quand je peux ; plus je vais en avant, plus je me tiens machine griffonnante. Pour vous, messieurs de Paris, faites suivant vos volontés : ordonnez, coupez, taillez, rognez, faites jouer mes magots devant les marionnettes de Fontainebleau, et qu’on y déchire l’auteur au sortir de la pièce, tandis que je languis malade dans mon ermitage, entre de la casse et des livres ennuyeux. J’ai mandé à