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cette ancienne rapsodie qui ne devait jamais paraître. J’ai vu à Lyon, dans mon cabaret, M. le maréchal de Richelieu, qui craint comme moi cette nouvelle cruauté de ma destinée. Peut-être avons-nous pris trop d’alarmes sur un bruit qui s’est déjà renouvelé plusieurs fois ; mais, après l’aventure de la prétendue Histoire universelle, tout est à craindre. Ma situation est un peu pénible ; j’ai fait sans aucun fruit un voyage précipité de cent lieues ; je suis tombé malade dans une ville où je ne puis guère rester avec décence, n’étant pas dans les bonnes grâces de votre oncle, et ma mauvaise santé m’empêche d’aller ailleurs. J’attends de vos nouvelles ; il me semble que vos lettres sont un remède à tout. Ma nièce et moi nous vous embrassons de tout notre cœur.


2820. — À M. LE PRÉSIDENT DE RUFFEY[1].
À Lyon, le 25 novembre 1754.

J’ai reçu, monsieur, de nouvelles preuves de votre mérite et de votre amitié. Vous augmentez les regrets que je sens d’avoir séjourné si peu à Dijon[2]. Ma nièce et moi, nous avons plus d’un remerciement à vous faire, Oserais-je vous supplier d’ajouter à vos bontés celle de vouloir bien assurer M. le premier président de La Marche de mes tendres respects quand vous le reverrez ? Recevez les miens pour vous, et soyez persuadé du véritable attachement d’un voyageur malade que le changement de climat ne peut guérir, et dans qui ce changement ne peut altérer les sentiments avec lesquels il sera toujours, monsieur, etc.


Voltaire.

2821. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
Lyon, 29 novembre.

Mon héros, on vous appelait Thésée à la bataille de Fontenoy ; vous m’avez laissé à Lyon comme Thésée laissa son Ariane dans Naxos. Je ne suis ni aussi jeune ni aussi frais qu’elle, et je n’ai pas eu recours comme elle au vin pour me consoler.

Je resterai à Lyon, si vous devez y repasser.

Il n’y a pas un mot de vrai dans ce qu’on disait de la Pucelle ;

  1. Éditeur, Th. Foisset.
  2. En allant de Colmar à Lyon, à la rencontre du maréchal de Richelieu. Voltaire fit ce trajet du 10 au 20 novembre.