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mémoires si vous vouliez, et cela vaudrait mieux que les œuvres théologiques de votre terrible oncle.

Pour Dieu, monseigneur, songez à vous faire rendre votre paquet, Bussy doit en avoir été chargé.

Je me flatte que M. le duc de Fronsac et Mlle de Richelieu soit deux charmantes créatures. Je voudrais bien vous faire ma cour, et les voir auprès de vous.


2347. — À MADAME LA COMTESSE D’ARGENTAL.
Potsdam, le 14 mars.

Bénie soit votre Rome, madame, qui m’a valu de vous cette lettre charmante ! Je l’aime bien mieux que toutes celles à Atticus, Mongault[1], Bouhier, et d’Olivet, qui savaient plus de latin que vous, n’écrivent pas comme vous en français. Il y a plaisir à faire des Rome quand on a de pareilles Parisiennes pour protectrices. Je compte bien venir faire, cet été, un voyage auprès de mes anges, dès que le monument de Louis XIV sera sur son piédestal. Il y a des gens qui ont voulu renverser cette statue, et je ne veux pas me trouver là, de peur qu’elle ne tombe sur moi et qu’elle ne m’écrase. Il faut servir les Français de loin et malgré eux : c’est le peuple d’Athènes. Un ostracisme volontaire est presque la seule ressource qui reste à ceux qui ont essayé, dans leur genre, de bien mériter de la patrie ; mais je défie Cimon et Miltiade d’avoir plus regretté leurs amis que moi les miens.

Je parle tous les jours de vous, madame, avec le comte Algarotti. Il fait les délices de notre retraite de Potsdam. Nous avons souvent l’honneur de souper ensemble avec un grand homme qui oublie avec nous sa grandeur et même sa gloire. Les soupers des sept sages ne valaient pas ceux que nous faisons ; il n’y a que les vôtres qui soient au-dessus.

Algarotti a fait des choses charmantes. Je ne sais rien de plus amusant et de plus instructif qu’un livre qu’il fera, je crois, imprimer à Venise sur la fin de cette année. Vous qui entendez l’ilalien, madame, vous aurez un plaisir nouveau. On ne fait pas de ces choses-là en Italie, à présent ; le génie y est tombé plus qu’en France. Si vous avez à Paris des Catilina et des Histoire des mœurs du xviiie siècle, les Italiens n’ont que des sonnets. C’est

  1. Voyez son article, tome XIV, page 106.