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Il me semble qu’à présent tout est éclairci. Vous savez qu’il a dit, quelques vers auparavant, que l’entretien de Nonnius et d’Aurélie lui donnerait le temps nécessaire à son dessein : c’est donc cet entretien qui facilite évidemment la mort de Nonnius ; Aurélie a donc très-grande raison de dire que c’est en demandant grâce à son père qu’elle l’a conduit à la mort ; et alors ces deux vers :


Et pour mieux l’égorger, le prenant dans mes bras,
J’ai présenté sa tête à ta main sanguinaire ;

(Acte IV, scène vi.)


ces deux vers, dis-je, n’ont plus de sens équivoque, et en ont un très-touchant.

À l’égard du vers :


Vous nous perdez tous trois ; je vous en averti,


qui rime à démenti, il rime très-bien ; il est permis d’ôter l’s aux verbes en ir. Racine a usé de cette permission en pareil cas :


Vizir, · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · je vous en averti,
Et, sans compter sur moi, prenez votre parti.

(Bajazet, acte II, scène iii.)


Il faut, dans une tragédie, certains vers qui semblent prosaïques, pour relever les autres, et pour conserver la nature du dialogue. Cependant j’aimerais infiniment mieux les vers suivants :


Ne vous aveuglez point, vous nous perdez tous trois.
Je sais qu’en vos conseils on compte peu ma voix.
Qu’on y ménage à peine une épouse timide ;
Je sais, Catilina, que ton âme intrépide
Sacrifiera sans trouble et ta femme et ton fils
À l’espoir incertain d’accabler ton pays, etc.
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
Tu n’es plus qu’un tyran, tu ne vois plus en moi
Qu’une épouse tremblante, indigne de ta foi, etc.[1].


Je vous supplie donc de communiquer à ma chère nièce toutes ces petites corrections, qu’elle aura la bonté de faire copier sur la pièce. Votre critique du vers, ont écrit dans le sang, est très-juste. Voici comme je corrige en cet endroit :


Achevez son naufrage ; allez, braves amis,
Les destins du sénat en vos mains sont remis ;

  1. Voyez les variantes de Rome sauvée, tome V, page 269.