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des dames de Berlin. Il y a longtemps que je suis accoutumé à de pareilles méprises ; mais on a publié ces vers comme adressés à Son Altesse royale Mme la princesse Amélie, et cette méprise est trop forte[1].

Permettez-moi de me servir de cette occasion pour faire sentir au public combien on lui en impose en mettant souvent sur mon compte des ouvrages que je n’ai jamais lus. Il n’y a pas jusqu’aux compilateurs hollandais de mes prétendues œuvres qui ne les aient défigurées par les plus absurdes imputations. C’est un inconvénient attaché à la littérature ; et tout ce que je peux faire, c’est de me servir des papiers publics, et surtout des gazettes sages et autorisées, pour réclamer contre un abus dont tous les honnêtes gens se plaignent, et qui demande d’être réprimé par les magistrats.

Vous me ferez beaucoup de plaisir de rendre ma lettre publique. Je suis parfaitement, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

Voltaire.

2130. — À M. FORMEY.
À Potsdam, le 3 octobre.

Monsieur, Dieu vous bénira, puisque, étant philosophe, vous faites des vers[2]. Je voudrais bien, moi qui ai fait trop de vers, être aussi philosophe. Mais, depuis quelque temps, je mets toute ma philosophie à croire que deux et deux font quatre, et que les trois angles d’un triangle sont égaux à deux droits. Je doute de tout ce qui n’est pas de cette évidence, et je le répète sans cesse : Vanitas vanitatum, et metaphysica vanitas[3]. Si quelqu’un est capable de m’éclairer dans ces abîmes, c’est vous.

Je vous remercie de votre livre[4] ; il me paraît que vous défendez votre cause avec une grande sagacité, mais ce n’est pas à moi de la juger.

Je me borne à tâcher de mériter les marques d’amitié que vous me donnez, et à vous assurer de la sensibilité avec laquelle je suis, etc.

Voltaire.
  1. Voyez la lettre qui précède.
  2. Formey, après une représentation de Rome sauvée, pour laquelle il avait demandé des billets, avait adressé à Voltaire des vers en remerciement.
  3. Ecclésiaste, chap. i, v. 2.
  4. C’était, autant que je puis me le rappeler, mes Pensées raisonnables. (Note de Formey.)