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il n’y a plus de place pour les beaux vers, pour les portraits, pour les sentiments, pour les passions aussi ne peut-on retenir par cœur vingt vers de ce cadet, qui est partout un homme médiocre en poésie, aussi bien que son cher neveu, d’ailleurs homme d’un mérite très-étendu.

Il me tarde bien, mon cher confrère en Apollon, de raisonner avec vous de notre art, dont tout le monde parle, que si peu de gens aiment, et que moins d’adeptes encore savent connaître. Nous sommes le petit nombre des élus, encore sommes-nous dispersés. Il y a un jeune Helvétius qui a bien du génie ; il fait de temps en temps des vers admirables. En parlant de Locke, par exemple, il dit

D’un bras il abaissa l’orgueil du platonisme,
De l’autre il rétrécit le champ du pyrrhonisme[1].

Je le prêche continuellement d’écarter les torrents de fumée dont il offusque le beau feu qui l’anime. Il peut, s’il veut, devenir un grand homme. Il est déjà quelque chose de mieux : bon enfant, vertueux, et simple. Embrassez pour moi mon cher Cideville, à qui j’écrirai bientôt.

Adieu ; aimez-moi, et encouragez-moi à n’abandonner les vers pour rien au monde. Adieu, mon très-aimable ami.


1467. — À M. THIERIOT[2].
14 août.

En vous remerciant de vos bons documents. J’ai déjà l’histoire de la Bactriane[3] dont vous me parlez. Il faut avoir la rage de l’antiquité pour lire cette érudition étrangère. J’espère que cette maladie me passera bientôt.

Mais ce dom Calmet, dans son Histoire universelle, n’aurait-il fait que répéter des choses communes, n’aurait-il point répandu quelque jour sur l’histoire orientale, sur Gengis-kan, sur le grand lama, sur Tamerlan, sur les Mogols, sur l’état du christianisme dans les Indes ? Il me semble qu’il était fait pour dire mieux que les autres sur ces matières. Dites-moi s’il les a touchées en ce cas, je ferai venir son ouvrage.

On ne parle dans votre Paris que de banqueroutes je suis

  1. Voyez tome XXIII, page 8.
  2. Éditeurs, de Cayrol et François.
  3. Voyez une note de la lettre 1460.