Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/90

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Si le sujet était tout neuf, il était aussi bien épineux. C’est un nouveau monde à défricher. Je vais renoncer pour un temps à mes anciennes occupations, pour reprendre Mahomet en sous-œuvre. La peine que vous avez bien voulu prendre m’encourage à en prendre beaucoup. J’aurai sans cesse votre excellente critique devant les yeux.

Adieu, cher ami, aussi utile qu’aimable ; renvoyez cette faible esquisse à l’abbé Moussinot, et prions, chacun de notre côté, les dieux qui président aux lettres et à la douceur de la vie qu’ils nous réunissent un jour.


1462. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
Camp de Strohlen, 22 juillet.


· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·

Après la sentence[1] que vous venez de prononcer sur votre Hélicon, je ne puis vous écrire qu’en vers. C’est une corruption dont je me sers pour captiver votre affection. Si vous étiez médiateur entre la reine de Hongrie et moi, je plaiderais ma cause en vers, et mes vieux documents en rimes serviraient aux amusements de mon pacificateur. Il n’y aura pas assurément autant de lacunes dans l’histoire que vous écrivez qu’il se trouve de vide dans notre campagne ; mais notre inaction ne sera pas longue. Si nous suspendons nos coups, ce n’est que pour frapper dans peu d’une manière plus sûre et plus éclatante.

Je vous recommande les intérêts du siècle divin que vous peignez si élégamment. J’aimerais mieux l’avoir fait que d’avoir gagné cent batailles.

Adieu, cher Voltaire ; lorsque vous faisiez la guerre à vos libraires et à vos autres ennemis, j’écrivais ; à présent que vous écrivez, je m’escrime d’estoc et de taille. Tel est le monde. Ne doutez pas de la parfaite amitié avec laquelle je suis tout à vous.

Fédéric.
1463. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
À Bruxelles, le 3 août.

Vous dont le précoce génie
Poursuit sa carrière infinie
Du Parnasse aux champs des combats,
Défiant, d’un essor sublime,
Et les obstacles de la rime,
Et les menaces du trépas ;

  1. Voyez le vers 59 de la lettre 1455.