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étrangers comment on pense de lui, et avec quel respect on le regarde[1], cette envie-là ne diminue pas.

M. d’Argenson m’a prévenu. Je voulais faire relier proprement ce recueil pour vous prier de lui en faire présent de ma part ; il s’est saisi d’un bien qui était à lui, et que j’aurais voulu lui offrir. Je vous prie de l’assurer de mes plus tendres respects. Je vous embrasse et vous souhaite tranquillité, santé et fortune.


1454. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
Camp de Strehlen, 25 juin.


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L’annonce de votre Histoire me fait bien du plaisir ; cela n’ajoutera pas un petit laurier de plus à ceux que vous prépare la main de l’Immortalité c’est votre gloire, en un mot, que je chéris. Je m’intéresse au Siècle de Louis XIV ; je vous admire comme philosophe, mais je vous aime bien mieux poëte.

Préférez la lyre d’Horace
Et ses immortels accords
À ces gigantesques efforts
Que fait la pédantesque race,
Pour mieux connaître les ressorts
De l’air, des corps, et de l’espace,
Grands objets trop peu faits pour nous.
Ces sages souvent sont bien fous.


L’un fait un roman de physique ; l’autre monte avec bien de la peine, et ajuste ensemble des différentes parties d’un système sorti de son cerveau creux.

Ne perdons point à rêvasser
Un temps fait pour la jouissance.
Ce n’est point à philosopher
Qu’on avance dans la science.
Tout l’art est d’apprendre à douter,
Et modestement confesser
Nos sottises, notre ignorance.

L’histoire et la poésie offrent un champ bien plus libre à l’esprit. Il s’agit d’objets qui sont à notre portée, de faits certains, et de riantes peintures. La véritable philosophie, c’est la fermeté d’âme et la netteté de l’esprit qui

  1. Voltaire savait à quoi s’en tenir sur ce point ; et il ne parlait ainsi que pour les employés de la poste, qui décachetaient ses lettres et en faisaient des extraits. (Cl.)