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que, dans ce temps-là même, M. du Châtelet étant à Paris, et ayant retiré d’office mes ordonnances du trésor royal, monsieur le cardinal donna ordre qu’on ne les payât point.

Mme du Châtelet, sans m’en rien dire, m’a joué le tour d’écrire à Son Éminence, qui a répondu qu’on me payerait, mais qui n’a pas mis dans sa lettre le même air de bonté pour moi que celui dont il m’honorait quand j’étais en Hollande et en Prusse.

Je vais avoir l’honneur de lui écrire[1] pour le remercier ; mais je ne sais si je dois prendre la liberté de lui proposer de lire Mahomet ; je ne ferai rien sans les ordres de mes anges gardiens.

Je fais mon compliment[2] à M. de La Chaussée. Je voudrais bien que quelque jour il pût me le rendre ; mais je doute fort qu’on trouve à la Comédie française quatre acteurs tels que ceux qui ont joué Mahomet à Lille.

Je sais que La Noue a l’air d’un fils rabougri de Baubourg ; mais aussi il joue, à mon sens, d’une manière plus forte, plus vraie et plus tragique que Dufresne. Il y a un petit Baron qui n’a qu’un filet de voix, mais qui a fait verser des ruisseaux de larmes. J’en verserais, moi, de n’être pas auprès de vous, si je n’étais pas ici. Je me mets à l’ombre de vos ailes.


1449. — À M. L’ABBÉ MOUSSINOT[3].
Ce 9 (juin 1741).

Je reçois, mon cher ami, votre lettre du 6 juin.

J’ai d’abord à vous dire qu’il y a près de huit jours que Son Éminence écrit à Mme la marquise du Châtelet qu’on n’avait qu’à se présenter au Trésor royal pour être payé de mes ordonnances. C’était apparemment un quiproquo.

Ainsi, quand vous voudrez recevoir, vous avez mes quittances : il ne tiendra qu’à vous de recevoir. Si M. du Verney insiste sur quinze cents livres qu’il dit que je lui dois pour l’avance d’une pension de la reine, dont je n’ai jamais été payé, il faudra le prier de se contenter cette fois-ci de la moitié.

Quand vous aurez, mon cher abbé, consommé les aventures du Palais-Royal, je vous prierai d’écrire, en votre propre et privé nom, une lettre à M. le duc de Villars, par laquelle vous lui

  1. Cette lettre au cardinal de Fleury paraît perdue.
  2. Relativement à Mélanide, comédie en cinq actes et en vers, représentée, pour la première fois, le 12 mai 1741.
  3. Édition Courtat.