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pour ma fortune et pour ma famille. Vous m’avez tiré par vos bontés, monsieur, de ce cruel embarras, et je ne puis trop vous en remercier. Je vous supplie de continuer, et de représenter à M. de Maurepas le tort extrême que ce scandale peut me faire. Ce serait même un service éternel que vous rendriez aux beaux-arts si vous abolissiez pour jamais cette coutume déshonorante pour la nation.

Vous pensez bien que je fais, de mon côté, tout ce qu’il faut pour prévenir la scène impertinente qu’on veut donner à Fontainebleau. Mais, monsieur, je ne serai sûr du succès qu’en étant fortement appuyé et protégé par vous. Vous avez plus d’un moyen que votre prudence peut mettre en œuvre. Et j’ai tout lieu de croire que vous avez regardé cette affaire comme une des bienséances publiques que vous voulez maintenir. J’aurai, monsieur, une reconnaissance éternelle de la bonté particulière que vous avez bien voulu me témoigner dans cette occasion, où l’intérêt véritable du public se trouve joint aux miens. Je vous demande instamment la continuation d’une bienveillance dont je sens assurément tout le prix.


1919. — DU LIEUTENANT GÉNÉRAL DE POLICE[1].
Paris, le 24 octobre 1718.

Je suis infiniment sensible, monsieur, à la lettre pleine de confiance que je reçois de vous, et je ne puis qu’être flatté que vous vouliez bien m’y exposer des circonstances qui sont aussi intéressantes pour votre famille qu’elles vous sont réellement personnelles. Il est vrai que j’avais prévu avec zèle ce que je m’imaginais bien qui vous déplaisait, et c’est pour cela que je m’étais hâté d’en parler au ministre ; mais puis-je répondre que ce n’est pas une suspension ? Ma bonne volonté ne fait pas loi, mais au moins accordez-moi la justice de la tenir pour quelque chose, puisqu’elle est toute à votre service. Je reparlerai à Fontainebleau, où je compte aller dimanche, et, quand il serait vrai qu’on voulût se relâcher sur le fait des parodies, je représenterai que le théâtre vous doit trop, et même la patrie, pour que l’on commence par vous à se déranger des maximes qu’on s’était proposé de garder. Voilà ce que je vous offre, et qui est en ma disposition, et, si je n’ai pas le bonheur de réussir, n’en soyez pas moins persuadé de mon sincère attachement et de l’estime toute particulière que je vous ai vouée. C’est avec ces sentiments, qui sont dus à vos talents supérieurs et à la confiance que vous avez en moi, que je suis plus que personne du monde, monsieur, votre, etc.

  1. Éditeur, Léouzon Leduc.