Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/532

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reçu une lettre de Mme d’Argental. » C’est donc un heureux homme que ce M. de Verdun ? Eh bien ! madame, si je n’ai pas eu le bonheur dont il se vante, j’ai la consolation de vous écrire. Je vous soupçonne d’être à Paris. M. d’Argental est, dit-il, à Guiscard ; mais où est Guiscard[1] ? Voici, madame, une lettre pour cet ange-là, et je vous soumets tout ce que je lui écris. Je ne sais pas plus où adresser ma lettre pour l’abbé de Bernis ; permettez que je la mette dans votre paquet. Je ne m’attendais pas à ce nouveau trait de la calomnie[2] ; mais qui plume a guerre a. Le loyer de nous autres pauvres diables de victimes publiques, c’est d’être honnis et persécutés. Je pardonne à l’envie ; elle a raison de me croire heureux ; elle sait l’amitié dont vous m’honorez. Si je m’avise de donner jamais une pièce qui ait du succès, je serai infailliblement lapidé. On s’attend ici à une prompte publication de la paix. Paris sera plus méchant et plus frivole que jamais. Si deux ou trois personnes ne soutenaient le bon goût, nous dégringolerions dans la barbarie. Songez à votre santé, madame je veux vous retrouver avec un appétit désordonné. Je compte vous faire ma cour à Noël. C’est bien tard mon cœur me le dit. Je vous supplie de détruire dans l’esprit de M. l’abbé de Bernis la ridicule calomnie que je trouve encore plus désagréable que ridicule ; c’est l’homme du monde dont je crois mériter le mieux l’amitié, et il s’en faut bien que j’aie rien à me reprocher sur son compte. Permettez-moi, en vous renouvelant mes plus tendres respects, de les présenter à M. de Pont-de-Veyle et à M. de Choiseul. Mme du Châtelet, qui joue ou l’opéra, ou la comédie, ou à la comète[3], vous fait mille compliments.


1913. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
À la Malgrange, le 4 octobre.

Mon cher et respectable ami, voici bien des points sur lesquels j’ai à vous remercier et à vous répondre.

À l’égard des comédiens, Sarrasin m’a parlé avec beaucoup plus que de l’indécence, quand je l’ai prié, au nom du public, de mettre dans son jeu plus d’âme et plus de dignité. Il y en a quatre ou cinq qui me refusent le salut, pour les avoir fait paraître en

  1. À huit lieues de Compiègne (Oise).
  2. Voyez la lettre suivante.
  3. Jeu qu’aimaient beaucoup Stanislas et Mme du Châtelet ; voyez l’article xx des Mémoires de Longchamp.