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traducteur. Algarotti même est bien allongé dans son Congresto di Cithera. Ses phrases font perdre haleine. J’ai donné aujourd’hui au roi le manuscrit de l’histoire présente depuis la mort de l’empereur Charles VI jusqu’à la prise de Gand : c’est pour sa petite bibliothèque. Le public n’aura pas sitôt cet ouvrage, auquel je veux travailler une année entière. Je vous félicite sur les assignations que le roi de Prusse vous donne au mois de mai. Il a été toujours si occupé à battre des Autrichiens qu’il n’a pas songé aux pensions de Thieriot mais actuellement que le voilà au comble de la gloire, et, ce qui vaut mieux, dans un doux repos, il songe à vous. Il y a bien du temps que je n’ai eu l’honneur de lui écrire : je lui ai fait une infidélité pour le pape ; mais, dans le fond, il faut avouer que Fédéric a plus d’esprit que tout le sacré collége. N’allez pas dire cela, car je ne veux plus être excommunié. Bonsoir.


1795. — À MONSIEUR ET MADAME D’ARGENTAL[1].

Voltaire sait d’hier la mort du président Bouhier[2] ; mais il oublie tous les présidents vivants et morts quand il voit M. et Mme d’Argental. On a parlé déjà à V. de la succession dans la partie de fumée qu’avait à Paris ledit président commentateur. V. est malade ; V. n’est guère en état de se donner du mouvement ; V. grisonne, et ne peut pas honnêtement frapper aux portes, quoiqu’il compte sur l’agrément du roi. Il remercie tendrement ses adorables anges. Il sera très-flatté d’être désiré ; mais il craindra toujours de faire des démarches. Mes divins anges être aimé de vous, voilà la plus belle de toutes les places.


1796. — À M. LE COMTE DE TRESSAN.
Le … mars.

Je vous ai toujours cru ou parti ou partant, mon divin Pollion. Je vous ai cru portant la terreur et les grâces dans le pays des Marlborough et des Newton. Mais vous êtes comme les Grecs en Aulide, à cela près que dans cette affaire il y aura plus de pucelles… que de pucelles immolées.

  1. Cette lettre a été publiée, pour la première fois, dans le tome second du Recueil de la Société des Bibliophiles français, dont elle se trouvait ainsi la propriété, et qui m’a permis de la réimprimer. (B.)
  2. Le président Bouhier étant mort à Dijon le 17 mars 1746, sa mort n’a guère pu être connue à Paris que le 19 mars ; la lettre de Voltaire serait alors du 20.