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trompettes. Mme du Châtelet est enchantée de vos vers aimables et de votre souvenir. Je fais plus que d’être enchanté ; vous m’avez donné de l’enthousiasme. J’ai entièrement refondu mon petit poëme. Je fais ce que je peux pour qu’il soit moins indigne du héros. On l’imprime à Lille avec un Discours préliminaire ; j’ai donné ordre qu’on eût l’honneur de vous en envoyer des premiers : car c’est à vous que je veux plaire. Seriez-vous assez bon pour dire à M. le maréchal de Noailles qu’il m’a écrit une lettre charmante dont je sens tout le prix, et pour faire ma cour à M. le duc d’Aïen, qui doit m’aimer, car il m’a fait du bien auprès du roi, et on s’attache à ses bienfaits ?

Adieu, aimable Horace ; aimez et protégez Varius, et sifflez les Vadius.


1739. — À M. DE MONCRIF,
à versailles.
À Paris, le 16 juin.

Je n’avais, mon cher sylphe[1], supplié Mme de Luynes[2] de présenter ma rapsodie à la reine que parce qu’il paraissait fort brutal d’en laisser paraître tant d’éditions sans lui en faire un petit hommage ; mais je vous prie de lui dire très-sérieusement que je lui demande pardon d’avoir mis à ses pieds une pauvre esquisse que je n’avais jamais osé donner au roi.

Enfin, Sa Majesté ayant bien voulu que je lui dédiasse sa bataille, j’ai mis mon grain d’encens dans un encensoir un peu plus propre, et le voici que je vous présente. C’est à présent que vous pouvez dire hardiment à la reine que cela vaut mieux que la maussaderie[3] de notre ami le poëte Roi. Je ne vois pas qu’aucun de ceux que j’ai si justement célébrés soit fort content que cet honnête homme ait dit, en style d’huissier-priseur, que j’ai adjugé les lauriers selon mon caprice ; mais c’est une des moindres peccadilles de M. le chevalier de Saint-Michel. Mon aimable

  1. Allusion à l’opéra-ballet de Zélindor, paroles de Moncrif, musique de Rebel et Francœur, joué à Versailles le 17 mars 1745 ; à Paris, le 10 août suivant. (B.)
  2. Marie Brulard de La Borde, mariée, en janvier 1732, au duc de Luynes, frère de l’académicien. Nommée dame d’honneur de la reine en 1732, elle mourut en septembre 1760. Voyez la fin d’une lettre, de février 1748, au président Hénault. (Cl.)
  3. Discours au roi sur le succès de ses armes, par M. Roi, chevalier de l’ordre de Saint-Michel, 1745, in-4o. On lit, page 7, ce vers :
    Et suivant mon caprice adjuger les lauriers.