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que je préfère à bien des rois. Puisque votre philosophie consiste à aimer et à encourager tous les genres de littérature, j’ai l’honneur de joindre à un gros tome de physique la meilleure édition qu’on ait faite de mon Poëme sur la Bataille de Fontenoy. Vous verrez, monsieur, dans ce poëme, quelle justice je rends à vos compatriotes.

Vous augmentez bien l’estime que j’ai toujours eue pour cette nation respectable. Puissiez-vous, monsieur, en être encore longtemps l’ornement et la gloire ! Vous avez fait de Lausanne le temple des Muses et vous m’avez fait dire plus d’une fois que, si j’avais pu quitter la France, je me serais retiré à Lausanne. J’aurais cultivé auprès de vous mon goût pour la véritable sagesse, que le fracas des cours, les agréments de Paris, les charmes de la poésie, n’ont que trop séduit. Il faut que je fasse des couronnes de fleurs dans les temps que je voudrais cueillir les fruits de la philosophie. Je me préparais à vous relire, monsieur ; je vais travailler à des fêtes. Mais je tourne souvent mes yeux vers Jérusalem, en chantant sur les bords de l’Euphrate, dans la superbe Babylone. Votre nom m’est toujours présent ; je regrette toujours de n’avoir pu, dans mes voyages, goûter le bonheur de vous entendre. C’est avec ces sentiments, monsieur, que je serai toute ma vie, bien sincèrement, votre, etc.

Voltaire.

1736. — À M. DE CIDEVILLE.
Mercredi matin, 9 juin.

Après avoir travaillé toute la nuit, mon cher ami, à mériter vos éloges et votre amitié par les efforts que je fais, après avoir poussé notre Bataille jusqu’à près de trois cents vers, y avoir jeté un peu de poésie, fait un Discours préliminaire, et ayant surtout profité de vos avis, il faut prendre du café ; et c’est en le prenant que je rends compte de tout ce que je fais.

Je viens de recevoir du roi la permission de faire imprimer l’épître dédicatoire dont je lui avais envoyé le modèle. Il faut courir chez l’imprimeur ; j’y serai jusqu’à une heure précise. Si vous étiez assez aimable pour vous y rendre, vous m’y donneriez de nouveaux conseils, et je vous aurais de nouvelles obligations. Je partirai ensuite pour Champs. Est-ce que je n’aurai jamais le plaisir de passer quelques jours tranquillement avec vous à la campagne ?