Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/290

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En vous remerciant mille fois, monsieur, et en vous demandant le secret. J’ai donné à Doyen le féal, argent comptant, et billets qui valent argent comptant mais on paye le plus tard qu’on peut, et un fesse-matthieu de fermier de M. le duc de Richelieu, nommé Duclos, qui devait, selon toutes les lois divines et humaines, me compter quatre mille livres le lendemain de Pâques, recule tant qu’il peut, tout contraignable qu’il est. Voulez-vous permettre que ce Doyen fasse toujours mon contrat à bon compte ? Sinon il n’y a qu’à le réduire à ce que Doyen a dans ses mains. Je mangerai le reste à mon retour très-volontiers. Faites comme il vous plaira avec votre vieux serviteur.

Je m’occupe à présent à faire un divertissement[1] pour un dauphin et une dauphine que je ne divertirai point. Mais je veux faire quelque chose de joli, de gai, de tendre, de digne du duc de Richelieu, l’ordonnateur de la fête.

Cirey est charmant, c’est un bijou venez-y, monsieur tâchez d’avoir affaire à Joinville. Mme du Châtelet vous aime de tout son cœur, vous désire autant que moi, et vous recevra comme elle recevait Wolff et Leibnitz. Vous valez mieux que tous ces gens-là. Portez-vous bien. Permettez que je présente mes respects à monsieur l’avocat du roi très-chrétien[2]. Je vous aime et vous respecte de tout mon cœur.

Votre ancien et le plus ancien serviteur, etc.


1645. — À M. LE DUC DE RICHELIEU.
Ce 24 avril.

Colletet envoie encore ce brimborion au cardinal-duc. Cette rapsodie le trouvera probablement dans un camp entouré d’officiers, et vis-à-vis de vilains Allemands qui se soucient fort peu des amours du duc de Foix et de la princesse de Navarre. Mais votre esprit agile, qui se plie à tout, trouvera du temps pour songer à votre fête. Vous serez comme Paul-Émile, qui, après avoir vaincu Persée, donna une fête charmante, et dit à ceux qui s’étonnaient de la fête et du souper : « Messieurs, c’est le même esprit qui a conduit la guerre et qui a ordonné la fête. »

Pour moi, monseigneur le duc, je crois, avec la dame de Cirey, que vous ne haïrez pas ce duc de Foix, qui fait la guerre, qui est amoureux, qui est fourré tout jeune dans les affaires, qui

  1. La Princesse de Navarre ; voyez tome IV, page 271.
  2. M. de Paulmy, fils du marquis d’Argenson.