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pu s’abaisser à louer un magistrat[1] qui s’est rendu coupable de plus de crimes qu’il n’a prononcé d’arrêts ? Vous ignoriez sans doute ses expéditions sanglantes à Mérindol et Cabrières contre les Vaudois. S’il vous souvenait qu’à peine entré dans cette dernière ville il fit conduire dans un pré les soixante hommes qui la défendaient, et les fit tous égorger par ses soldats ; que les femmes, qui cherchèrent alors un asile dans les églises, furent violées jusque sur les marches de l’autel, et que celles dont l’âge et la laideur étaient un frein contre la licence furent renfermées et brûlées dans une grange pleine de paille ; s’il vous souvenait que vingt-deux autres villages partagèrent le sort de Cabrières, et que cette horrible persécution coûta la vie au moins à quatre mille personnes, et que l’élite de la jeunesse vaudoise, au nombre de sept cents, fut réservée à l’opprobre le plus honteux, vous abandonneriez bientôt votre langage cynique et révoltant pour vous élever contre les emportements de la plus criminelle des persécutions. Adieu, monsieur ; ma plume va vous paraître un peu hardie, mais je ne puis fermer la bouche à la vérité.

d’Alembert.



1642. — À M. DE VAUVENARGUES.
Jeudi, 4 avril 1744.

Aimable créature, beau génie, j’ai lu votre premier manuscrit, et j’y ai admiré cette hauteur d’une grande âme qui s’élève si fort au-dessus des petits brillants des Isocrates. Si vous étiez né quelques années plus tôt, mes ouvrages en vaudraient mieux mais, au moins, sur la fin de ma carrière, vous m’affermissez dans la route que vous suivez. Le grand, le pathétique, le sentiment, voilà mes premiers maitres ; vous êtes le dernier. Je vais vous lire encore. Je vous remercie tendrement. Vous êtes la plus douce de mes consolations dans les maux qui m’accablent.


1643. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
Des bords du Phase[2], 7 avril 1744.

Du faite de votre empyrée,
Voltaire, vous m’éblouissez ;
Le soleil de mon éthérée
Se met humblement à vos pieds ;
Sa pâle lueur, obscurcie
D’un gros nuage de bon sens,

    sont tous deux bien postérieurs à la date indiquée, et encore n’a-t-il pas fait l’éloge du magistrat persécuteur. (G. A.)

  1. D’Oppède, ennemi juré des Vaudois sous François Ier.
  2. Potsdam.