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ultra, mais alors il avait quinze ans, et cette devise ne fut faite que longtemps après.

Dirons-nous pour cela que Puffendorf est un archi-menteur ? Non ; nous dirons que, dans un ouvrage d’une si grande étendue, il lui est pardonnable d’avoir erré, et nous vous prierons, monsieur, d’être plus exact que lui, mieux instruit que vous n’êtes du style des Turcs, plus poli avec les Français, et enfin plus équitable et plus éclairé dans le choix des pièces que vous rapportez.

C’est un malheur inséparable du bien qu’a produit l’imprimerie, que cette foule de pièces scandaleuses, publiées à la honte de l’esprit et des mœurs. Partout où il y a une foule d’écrivains, il y a une foule de libelles ; ces misérables ouvrages, nés souvent en France, passent dans le Nord, ainsi que nos mauvais vins y sont vendus pour du Bourgogne et du Champagne. On boit les uns, et on lit les autres, souvent avec aussi peu de goût ; mais les hommes qui ont une vraie connaissance savent rejeter ce que la France rebute.

Vous citez, monsieur, des pièces bien indignes d’être connues du chapelain de Charles XII. Votre traducteur, M. Warmholtz, a eu l’équité d’avertir, dans ses notes, que ce sont de ces mauvaises et ténébreuses satires qu’il n’est pas permis à un honnête homme de citer.

Un historien a bien des devoirs. Permettez-moi de vous en rappeler ici deux qui sont de quelque considération : celui de ne point calomnier, et celui de ne point ennuyer. Je peux vous pardonner le premier, parce que votre ouvrage sera peu lu ; mais je ne puis vous pardonner le second, parce que j’ai été obligé de vous lire. Je suis d’ailleurs, autant que je peux, votre très-humble et très-obéissant serviteur.


1641. — DE D’ALEMBERT[1].
Paris, 1er mars 1744.

Monsieur, serez-vous donc toujours l’adulateur du vice ? Suivez plutôt la fougue de votre imagination impétueuse. Comment votre plume a-t-elle

  1. Cette lettre, qui se trouve dans le supplément des Œuvres de d’Alembert, n’a jamais figuré à cette place. Elle est pourtant indispensable, puisqu’elle nous fait connaître la triste opinion que d’Alembert eut d’abord du grand homme avec lequel il devait bientôt se lier à tout jamais. Le jeune géomètre avait alors vingt-sept ans ; mais nous ne savons à propos de quel ouvrage fut écrite cette lettre, datée de 1744. Voltaire, si nous ne nous trompons, n’a parlé de d’Oppède que dans son Essai sur les Mœurs et dans son Histoire du Parlement, ouvrages qui