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Ménagent Votre Majesté.
Vous auriez, ma foi, tout dompté
Sur le Danube et sur la Save ;
Et le double cou si vanté
De l’aigle jadis redouté
Eût été coupé comme rave ;
Mais vous vous êtes arrêté.
Maintenant votre main se lave
Des malheurs du monde agité ;
Pour comble de felicité,
Vous possedez dans votre cave
De ce tokai dont j’ai tâté ;
Je ne puis plus rimer en ave.

Plus je songe à il Tito[1], à il forte, plus je me dis que Berlin est ma patrie.

Messieurs Gérard, mes chers amis,
Dépêchez, préparez ma chambre,
Un pupitre pour mes écrits,
Avec quelques flacons remplis
De ce jus divin de septembre,
Non cet ennemi du gosier
Fabriqué de la main profane
De ce Liégeois nommé Lognier,
Je l’ai surnommé pissat d’âne,
Et je l’ai dit à haute voix ;
Je le redis, je le condamne
À n’être bu que par des rois.
J’aime mieux la simple nature
Du vin qu’on recueille à Bordeaux,
Car je préfère la lecture
D’un écrivain sage en propos,
À ce frelaté de Voiture,
Et plus encore à Marivaux.


1627. — DE LA PRINCESSE ULRIQUE.
Berlin, ce 29 octobre.

C’est avec un vrai plaisir, monsieur, que j’ai reçu votre lettre[2]. Je me trouve fort embarrassée à y répondre. Ce n’est que la satisfaction de vous assurer de mon estime qui me fait sacrifier mon amour-propre. Je sais qu’il faudrait une autre plume et un esprit bien au-dessus du mien pour écrire à

  1. Allusion à l’opéra de la Clemenza di Tito, dont il a été question dans les lettres 1618 et 1621.
  2. Cette lettre n’a pas été retrouvée.